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Perversions et tentacules, petit précis des genres fantaisistes du hentai

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On conçoit généralement le hentai, la bande dessinée érotique japonaise, comme cette déclinaison obscure et mineure du manga. S’il convient de reconnaître sa dimension un brin ésotérique, le qualifier de « mineur » est impropre. Véritable milieu de passionné, il sort des œuvres tous les jours, qu’il s’agisse de pastilles auto-produites ou d’albums réalisés par des pointures du neuvième art nippon. Et c’est sans compter la production animée. On devine alors aisément que ranger pêle-mêle cette discipline dans la catégorie fourre-tout des « manga de cul » relève de l’hérésie. D’une diversité pornographique (et paraphilique) improbable, le hentai est irrigué d’un certain nombre de genres qu’il est essentiel de connaître pour apprécier sa fantaisie subtile. On y trouve en effet autant de sources inédites d’excitation que de vision d’horreur qu’on souhaiterait ne jamais avoir connues.

Ecchi

Commençons en douceur avec le genre le plus doux du manga érotique : l’Ecchi, ou etchi selon la transcription Hepburn. Argot signifiant « sexy », « cochon », « coquin », l’Ecchi ne relève pas de pornographie en tant que telle, mais s’amuse à décliner toutes sortes de situations gentiment polissonnes, comme le ferait un Fluide Glacial (en moins trash) sous nos latitudes : demoiselles topless, voyeurisme comique, oubli de petites culottes, etc. Loin de se cantonner aux productions exclusivement licencieuses, l’humour ecchi est présent dans de nombreux titres plus traditionnels, à commencer par Dragon Ball qui y versait copieusement dans ses jeunes années et s’étendait avec gourmandise sur la légèreté sous-vestimentaire de la jolie Bulma.

Dōjinshi 

Au sens large, le Dōjinshi (ou doujinshi) désigne l’ensemble du circuit d’auto-publication littéraire au Japon, qu’il y soit question de sexe ou non. Les grandes sociétés d’édition étant naturellement frileuses, l’immense majorité de la production hentai relève de fait de « dōjinshi ». Au sens restreint, le genre rassemble les parodies d’œuvres célèbres et tous publics. On ne compte plus les pastiches salaces de Naruto, One Piece ou même Pokémon, auxquels il faut ajouter les succès plus confidentiels ou locaux (Touhou Project, Fate/Stay Night), sans que les ayants-droit ne trouvent trop à y redire. Publicité gratuite ou fierté inavouée, il n’y a guère que les occidentaux qui tiennent à criminaliser les fictions crapuleuses de leurs fans les plus chelous.

Yaoi, Bara et Yuri

Le Yaoi est sans doute la démonstration la plus criante de la diversité du hentai. Hyper-populaire, il est centré autour des romances entre hommes et se veut essentiellement adressé aux femmes, de la même manière que le X lesbien se voudrait adressé aux hommes. Par contraste, il fait la part belle aux virilités androgynes et gestes romantiques (baisers, caresses), critères auxquels le public féminin serait plus sensible. Généralement soft, il est à l’opposé de l’esthétique « macho-men musclés et velus » d’un Tom of Finland, style plutôt adopté par le Bara : le hentai entre hommes pour les hommes. Le Yuri vient compléter la liste des combinaisons en désignant indistinctement l’ensemble du manga lesbien.

Futanari

 

Vous aimez les superbes nanas et les belles grosses bites ? Le Futanari est fait pour vous puisque l’essentiel de son propos se résume à ça : un hermaphrodisme fantasque. Loin de représenter les affres et splendeurs de la transidentité clinique, il se complaît à décrire, avec force détails, les conséquences et contingences de l’apparition généralement fortuite d’un énorme chibre entre les jambes d’une demoiselle souvent des plus kawaii. Un genre d’initié s’il en est.

Monstres et tentacules

Comment parler de hentai sans évoquer les monstres cthulhoïdes qui le peuplent abondamment. Soumise à une censure rigoureuse instaurée sous l’ère Meiji, lui interdisant de montrer des pénis en érection, c’est avec un zèle remarquable que la pornographie japonaise s’est conformée aux impératifs moraux d’état. Seulement voilà, il n’est nulle part fait mention d’une quelconque prohibition concernant les tentacules et autres appendices tortueux. Avec Urotsukidoji, en 1986, puis Demon Beast Master, en 1989, Toshio Maeda met donc les pieds dans le plat et invente le shokushu gokan, littéralement le « viol par tentacules ». Créatures extra-terrestres ou démons ancestraux, les monstres de ces récits viennent invariablement conquérir le monde, non sans explorer les cavités humaines de leurs extensions gluantes et préhensiles, à la recherche d’un terrain fertile pour y engendrer leur progéniture déviante. C’est une authentique révolution esthétique ; le hardcore peut enfin s’affranchir de la censure. Les auteurs s’en donne alors à cœur joie, et le « tentacle porn » devient le symbole emblématique du hentai. Parité oblige, le concept se décline aussi au féminin, avec le genre Monster Girls, dans lequel des succubes pourvues d’une tripotée d’orifices s’appliquent à traire la la race humaine de sa précieuse semence. Fait intéressant, le fétichisme tentaculaire est un fantasme qui ne date pas d’hier sur l’archipel, puisque Hokusai lui-même, le grand maître des estampes, documentait déjà l’amour des pieuvres au dix-neuvième siècle, avec Le Rêve de la femme du pécheur, dans lequel une dame alanguie s’abandonne aux tendresses possessives d’un céphalopode.

Kemonomimi et Furry

On poursuit dans le registre des transgressions zoophiles avec le Kemonomimi et le Furry, deux genres mettant en scène des animaux anthropomorphes. La nuance est subtile. Le premier décrit des humains aux caracteristiques animales : cornes, queues, oreilles, griffes ; quand le second donne à voir des animaux aux attributs « humanisés », en générale à travers une posture bipède, des vêtements, des morphologies et appareils reproducteurs de quidam. À noter que le Furry a largement dépassé les frontières de l’art graphique pour devenir un loisir, sexuel mais pas que, rassemblant à travers le monde des milliers de pratiquants qui revêtissent assidument leurs plus belles tenues en fourrure synthétique pour échanger des amabilités bestiales avec leurs comparses

Lolicon et Shotacon

Enfin, il serait contestable de conclure ce lexique en omettant pudiquement les incartades ô combien controversées du Lolicon et du Shotacon. Constitués respectivement des termes « loli », fillette (lui-même dérivé de « lolita »), et « shota », garçon, ces genres s’attachent à représenter les aventures sexuelles de personnages aux physiques pré-pubères. La dimension fictive de ces œuvres remettrait-elle en question la profonde immoralité de ce genres d’actes ? Voilà une épineuse question sur laquelle toutes les législations du monde ne s’accordent pas. En France, création, diffusion et détention sont interdites et sévèrement punies, au titre de l’article 227-23 du Code Pénal. Tutoyant méchamment l’extrême limite de nos systèmes éthiques (et légaux), la consultation de Lolicon et de Shotacon se fera donc aux  risques et périls des contrevenants, le concept ayant quand même tous les dehors de l’élément à charge dans un procès de mœurs sordide.

Couvert par ses propriétés fictionnelles, le hentai se permet donc les perversions les plus obscures, les transgressions les plus tabous : inceste, viol, animaux, enfants, etc. Ainsi, il propose à ses lecteurs une liberté de fantasme absolue, pour le meilleur et pour le pire. Cela dit, la BD licencieuse japonaise ne se résume au Sodome et Gomorrhe de nos penchants sexuels, et une bonne part de sa production relève de fétichismes tout à fait communs à notre pornographie occidentale. Des femmes à gros seins (Bakunyū) aux uniformes d’écolières, en passant par les situations d’adultère (Netorare) ou l’urophilie (Oromashi), il y est tout à fait possible de s’exciter en terrains connus. Surtout, depuis l’avènement de la discipline années 90, le mariage des cultures pornographiques a été largement consommé entre le Japon et le reste du monde. Il n’est aujourd’hui plus possible de réduire le hentai à la seule littérature locale, les auteurs qui s’en réclament peuplant dorénavant les quatre coins du globe. Par sa fantaisie décomplexée, le manga porno a définitivement conquis le monde.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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