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Le Viagra, remède surprise contre Alzheimer ?
Incurable, la maladie d’Alzheimer est un fléau qui hante chacun de l’angoisse perdre un jour tous les souvenirs qui lui sont chers, jusqu’au nom des êtres aimés. Heureusement, face à lui, s’érige enfin un nouvel adversaire vigoureux, la pilule bleue qui triompha de l’impuissance…
Vous connaissez certainement la blague. En 2002, l’humanité aurait dépensé cinq fois plus en Viagra et en implant mammaires qu’en recherche contre la maladie d’Alzheimer. On peut en conclure que dans 30 ans, il y aura des millions de personnes avec de gros nichons et de superbes érections, mais incapable de se rappeler pourquoi… Sauf que les vieillards de 2032 aux sexes turgescents pourraient bien être les mieux armés pour résister à la dégénérescence de leurs neurones. C’est la conclusion d’une étude préliminaire menée par une équipe sino-américaine publiée dans la célèbre revue Nature. Dans leur quête d’un traitement contre la maladie d’Alzheimer, les chercheurs ont ainsi isolé le sildénafil, le principe actif de la fameuse pilule bleue, comme candidat potentiel, en recoupant les données médicales de plus de 7 millions d’individus. Ou quand une bonne mémoire commence par une belle érection…
L’histoire du citrate de sildénafil est marqué par la sérendipité, la découverte miraculeuse des propriétés insoupçonnées d’un produit à partir d’un événement aléatoire. À l’origine, la molécule a été développée par le laboratoire Pfizer pour traiter l’angine de poitrine. Or, si son efficacité concernant cette maladie cardiaque s’est avérée toute relative, c’est finalement l’un des effets secondaires, constaté lors de la première phase d’essais cliniques, qui a mis la puce à l’oreille des médecins et propulser le médicament sur le devant de la scène : les érections aussi prodigieuses qu’inattendues signalées par les patients traités. Commercialisé par la suite sous la forme d’une pilule bleue tout à fait singulière, le Viagra (son nom commercial) révolutionne la santé sexuelle, tout en garnissant copieusement la trésorerie du labo qui l’a vu naître. Et en plus de sauver des millions de papis des affres de la panne érectile, on apprend aujourd’hui qu’il soignerait la démence. Aurait-on affaire au remède miracle du troisième âge ?
N’allons pas trop vite en besogne. La recherche sur le sujet n’en est encore qu’au stade de l’ébauche. Pour trouver le remède à une maladie, il n’y a pas trente-six solutions, mais principalement deux méthodes. Soit on synthétise une nouvelle molécule, généralement dérivée d’une substance active aux propriétés recherchées déjà présente dans la nature, qu’on prescrit ensuite à un contingent de mulots conciliants pour voir s’il y a des trucs en trop qui poussent ; soit on regarde du côté des médocs qu’on connaît déjà, histoire de voir s’ils ont des applications inattendues vis-à-vis de conditions médicales spécifiques (et on n’inoculera les accommodants rongeurs que lorsqu’il s’agira d’étudier sa viabilité à long terme). C’est cette seconde tactique qui a mis le Viagra sur la liste des candidats prometteurs contre Alzheimer.
Pour ce faire, les chercheurs ont donc bossé à l’envers. Plutôt que d’injecter des trucs pas très sûrs à des gens pas très en forme, et de voir si ça marche, ils ont préféré regarder chez ceux qui consomment déjà du Viagra dans le cadre de leurs loisirs personnels pour voir si, par hasard, le traitement érectile n’aurait pas un effet bénéfique sur leurs ciboulots. Et Bingo ! (ou « Jackpot ! », selon que vous soyez vieux jeu ou très vieux jeu en matière d’interjections) En compilant et analysant les déclarations d’assurance de 7,23 millions d’individus, ils ont découvert que « l’usage de sildénafil était significativement associé à un risque réduit de 69% de contracter la maladie d’Alzheimer (…) par rapport aux quatre autres médicaments pour lesquels la population était testée (diltiazem, glimepiride, losartan et metformin) après ajustement selon l’âge, le sexe, l’origine ethnique, les comorbidités. » Concrètement, ils ont constaté que les patients traités au sildénafil étaient 69% moins nombreux à déclarer à leur assurance des complications liés à la maladie neuro-dégénérative. Mais corrélation n’est pas causalité. Peut-être les concernés, si fiers de leur vigueur retrouvée, ont omis de signaler à la Matmut qu’il perdait peu à peu la boule. Après tout, quand le vit va, tout va…
Fort de ce chiffre de 69% aussi symbolique qu’éloquent, encore faut-il donner sa chance au produit, comme dirait l’autre, non sans conduire quelques tests en laboratoire et une poignées d’essais cliniques pour évacuer l’hypothèse du hasard statistique. C’est pourquoi l’étude relève les résultats d’une expérience prometteuse au cours de laquelle des neurones prélevés à un patient atteint d’Alzheimer ont fait montre d’une meilleure croissance des neurites (les « bras » et la « queue » du neurone) sous sildénafil que l’échantillon de contrôle. Un petit pas de plus vers l’établissement définitif du Viagra comme solution à la terrible maladie de l’oubli, jusqu’alors incurable.
Le temps où les toubibs prescriront le sildénafil pour soigner les troubles de la mémoire n’est donc pas encore arrivé. Mais l’avantage, quand il adviendra, c’est qu’on sera tous plutôt renseignés sur ses effets secondaires, mais pas forcément indésirables…
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