Le Pegging : l’art d’inverser les rôles

Parmi les exemples illustrant que l’époque est à l’inversion des rôles entre les hommes et les femmes, le pegging ou chevillage dans la langue de Molière, est l’un des derniers nés et des plus salés. En effet, qu’un homme se fasse prendre par sa partenaire n’est pas encore entré dans les mœurs, malgré qu’ils soient nombreux à apprécier la stimulation prostatique. Pourquoi ? Comment ? Mode, revival ou mouvement de fond ? On vous dit tout. 

« Prêt à passer de l’autre côté de la barrière ? ». L’invitation n’est pas signée d’une pompe funèbre, mais du site Strap-On-Me. Le nom de ce dernier laisse peu de place au doute : il est spécialisé dans les godes ceintures, les dildos et les harnais. Sa question s’adresse aux couples hétéros, à celle qui reçoit et à celui qui met naturellement les coups de reins. Et si cette fois c’était elle qui les mettait ? Et si c’était lui qui était pris en missionnaire, levrette et cuillère ? A ceux qui argueront que les femmes n’ont pas de pénis et n’ont pas vocation à pénétrer, on répondra que l’anus n’a pas non plus vocation à l’être et pourtant la sodomie est une pratique sexuelle banalisée. S’il fallait se contenter de ce qui est naturel, la sexualité serait figée, reproductrice et bien pauvre.

Chevillée au corps

L’homme moderne pris par le cul par sa partenaire, le site Passeport Santé l’appelle aussi sodomie au féminin. Une formule moins poétique que l’expression québécoise, chevillage, mais plus que le terme anglais, Pegging, sorti victorieux d’un sondage effectué sur le site thestranger.com en 2001 à l’initiative de l’activiste LGBT Dan Savage. Bref, pour peu qu’il soit oblong, seule l’imagination limite l’objet utilisé pour pénétrer. Une main peut même faire l’affaire chez les amateurs de Jeff Panacloc et Jean-Marc. Toutefois, l’idée sous-jacente est d’utiliser, non pas un godemichet classique, mais un gode-ceinture. C’est stylé un gode-ceinture. Il parait qu’on en a même retrouvés ensevelis dans les cendres de Pompéi, et que ces sacrées reliques sont depuis gardées à l’abri des regards dans une pièce secrète du Musée de Naples. 2 000 ans après l’éruption du Vésuve, Ryan Reynolds se fit prendre par Morena Baccarin ceinturée d’un gode dans une scène de Deadpool. 782 millions de dollars de recettes au box-office…

Orgasme prostatique ou fin d’un tabou ?

Du point de vue d’un mâle hétérosexuel, il y a toutefois une nuance entre avoir un petit doigt dans l’anus pendant une fellation et se faire sodomiser à quatre pattes. Il serait trop facile d’utiliser l’argument du point P, le point prostatique ou point G masculin, pour expliquer qu’un hétéro même le plus ouvert d’esprit, se fasse cheviller. De même que la pression exercée à chaque coup de reins par le gode ceinture sur le clitoris ne justifie pas le plaisir pris par celle qui donne. C’est un rapport de domination inversé et assumé. Et c’est pour cette raison précise qu’il est intéressant. Pour accepter le pegging, il faut admettre une part de bisexualité et sortir de l’égalitarisme forcené dans lequel certain(e)s veulent faire tomber la sexualité. Par conséquent, en matière de jeux de rôles, il vaut mieux avoir roulé sa bosse avant de s’attaquer au pegging. De même qu’il est nécessaire d’avoir un recul certain sur soi et une solide relation de confiance entre les partenaires. Un couple libertin vétéran saura gérer là où un couple dépareillé qui veut pimenter sa sexualité avec du pegging ira droit dans le mur…

Un changement d’époque

Chaque année post Covid apporte son lot d’informations sur l’impact réel de la pandémie et des confinements. En matière de couple et de sexualité, les trois dernières années furent le cadre d’une révolution dont on mesure à peine les conséquences. « Nos ventes ont progressé de 148 % au premier trimestre 2021 par rapport à 2020 et nos prévisions sont très optimistes, explique la directrice commerciale d’un site spécialisé dans la vente en ligne de strap-on. Nos clients recherchent de plus en plus de produits qui mettent en avant le jeu en couple (…) Jouer ensemble ouvre la connexion émotionnelle. Depuis la crise sanitaire, on cherche à explorer en couple, à s’exalter différemment et à découvrir de nouveaux rituels intimes ». Une période propice à la quête intérieure, aux nouvelles expériences et à la révélation de soi. Dans le fond, rien de neuf dans le chevillage. De plus en plus d’individus assument simplement leur envie profonde de switcher. Et c’est tant mieux.