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Contes de faits

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La Grande-Bretagne, une nation toujours en avance sur son temps quand il s’agit de rétropédalage. En novembre dernier, une charmante mère de famille a tout bonnement contacté l’école de son fils de six ans, pour demander d’arrêter la lecture dans les classes du conte La Belle au bois dormant. Au motif qu’il serait politiquement incorrect.

C’est l’histoire d’un prince charmant qui s’est cogné une route pourrie sur son fringant destrier, qui parvient au pied d’un château pour se farcir un dragon de trente mètres de haut, qu’il arrive à dézinguer [vous noterez l’exploit], grimpe je ne sais combien d’escaliers quatre à quatre, défonce une porte en bois d’au moins quinze centimètres d’épaisseur [c’est un donjon, pas un Bågvik chez Ikéa], arrive enfin au pied du lit de sa promise et là… nada ? Pas un petit bécot ? Après tant et tant d’efforts, rien… et le repos du guerrier alors ! [Nonobstant, personnellement, une femme qui n’a pas vu une salle de bains depuis cent ans, et encore moins un tube de dentifrice, je ne l’approche pas sans une combinaison antiradiation].

Alors je sais bien qu’internationalement, la situation est compliquée [Weinstein et consorts], que les slogans et autres hashtags #balancetonporc ou #MeToo fleurissent sur la toile. Il est sûr, que la tribune publiée récemment dans les colonnes du Monde et signée par une centaine de femmes dont Catherine Deneuve et les propos de Brigitte Lahaie sur BFMTV, n’ont rien fait pour calmer le jeu, les associations féministes extrémistes ayant qualifié les signataires d’apologistes du viol. Mais comme le dit l’actrice américaine Samantha Geimer : « #MeToo devrait être une plateforme de soutien pour les victimes, un espace où l’on témoigne de sa solidarité […] le problème quand on est une survivante, c’est que les militants ne peuvent rien tirer de vous. […] Ils ont besoin de victimes, pas de rescapées. » [Le Point, 22 janvier 2018].

Alors, à l’attention de ces inquisitrices du féminisme, je leur rappellerai quand même qu’au cours des années soixante-dix, des femmes qui se voulaient libres, défilaient nues en criant des slogans du type je baise avec qui je veux et quand je veux. Que des militantes se sont battues pour avoir le droit d’avoir une vie sexuelle avant le mariage ou de regarder des porno quand ça les chantait, à côté du combat quotidien pour l’égalité des sexes. Aujourd’hui, le politiquement correct, insidieusement, revient sur toutes les libertés acquises au cours des précédentes décennies. De plus, le porno semble canaliser la responsabilité de tous les maux sur cette planète. Les adolescents y ont trop facilement accès, et on veut réguler un peu partout sur le globe ? Si déjà, dans un premier temps, on laissait les parents réguler eux-mêmes leur chère progéniture plutôt qu’ils attendent toujours des autres, et de l’État en particulier, qu’on le fasse à leur place, ça ne serait pas du luxe non ? Les gamins ont des portables dès l’école primaire de nos jours. Au collège et au lycée, ils passent leur temps à partager la vie trépidante de Nabilla ou de Kim Kardashian sur Facebook, Twitter, Instagram ou Snapchat quand ils ne sont pas sur Pornhub, plutôt que d’apprendre ce qui pourrait leur apporter un semblant de culture générale et, au minimum, de savoir lire à peu près correctement quand ils arrivent au bac. Ils veulent un téléphone ? Pas de problème, mais alors un bon vieux Radiocom 2000 de 10 kg du siècle dernier avec un forfait de cinq minutes par jour. Et pour Internet, ils attendront d’être chez eux où leur sera réservé un filtre parental digne de la Sibérie. Je vais vous les calmer, moi, les ados.

J’embrasse pas !

Dans notre cas du jour, ça s’aggrave. Car Sarah Hall, une mère de famille résidant dans le charmant quartier de Northumberland Park [dans la banlieue londonienne, au nord de la City], s’est rendue à l’école de son fils de six ans, pour faire interdire, accrochez-vous bien, la lecture du conte La Belle au bois dormant, toutes versions confondues [Charles Perrault, 1697 ou les frères Grimm, 1812] ainsi que l’adaptation Disney de 1959. Pour un motif bien simple, le baiser donné à la belle endormie par son prince vaillant, serait, en réalité, une agression sexuelle. Elle pionce et forcément, elle ne peut donner son consentement à son preux qui vient déjà de dézinguer la sinistre maléfique.

Pour elle, il est inacceptable d’embrasser une femme pendant son sommeil : « Je pense que c’est le problème du consentement dans l’acte sexuel qui apparaît spécifiquement dans l’histoire de La Belle au bois dormant. » Bah oui, Blanche-Neige, il lui a collé une tarte pour la réveiller, c’est bien connu ! [Oh ! Germaine ! On est arrivés !] Mais pour la mère de famille, un ignominieux message se cache derrière le conte et expose de jeunes oreilles impressionnables à de douteuses pratiques : « Dans la société d’aujourd’hui, ce n’est pas approprié. Mon fils n’a que six ans, et il absorbe tout ce qu’il voit, et ce n’est pas comme si je pouvais partager avec lui une conversation constructive. » Bref, son fils, c’est Bob l’éponge.

Bruno Bettelheim, célèbre psychanalyste autrichien, s’est penché sur le cas de La Belle au bois dormant dans son essai de 1976, Psychanalyse des contes de fées. Et, n’en déplaise à notre ressortissante britannique, nul agresseur sexuel ou autre pervers en vue. Il décrit le conte comme un parcours initiatique qui amène les jeunes filles à leur vie d’adulte. Toute petite, Aurore est entourée de fées, dont le nombre diffère en fonction des versions. Mais penchons-nous sur celle des frères Grimm qui est plus simple pour l’explication de texte. Elles sont treize [les treize mois lunaires] en tout. Douze sont gentilles, et une est une véritable peau de vache. Quand à la malédiction : Quand quinze ans elle aura, à un fuseau le doigt se piquera et cent ans dormira. Symboliquement, cela correspond au début de la puberté et à l’apparition des règles chez les jeunes filles au XIXe siècle. Quant au fuseau il s’agit bien là d’un symbole phallique : « Voyant la vieille femme filer du lin, la jeune fille lui demande :Cette chose-là, qui danse si joyeusement, qu’est-ce que c’est ?” [Bah… une bite ! Si on peut plus déconner…] Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour saisir l’allusion sexuelle que comporte l’image du fuseau ; dès qu’elle le touche, la jeune fille se pique et tombe endormie. »

Alors oui mais bon…

Si le conte fait aujourd’hui débat chez les psychanalystes, il s’agit de sa toute première version, car Perrault et les Grimm se sont en réalité inspirés d’une histoire venant d’Italie : Le Soleil, la Lune et Talia [Pentamerone, Basile, cinq volumes écrits entre 1634 et 1636]. Dans celle-ci, un roi trouve une princesse endormie [Laquelle s’est plantée une écharde dans le doigt, qui l’a mise KO] dans un château abandonné. Il passe quelque temps avec elle et… se barre. Neuf mois plus tard, elle donne naissance [toujours endormie] à des jumeaux, qui réussiront à la réveiller en lui tétant les doigts et en retirant l’épine maléfique. C’est bien plus tard que notre ahuri se souvient que : ah mais qu’est-elle donc devenue ? [Forcément, pas un coup de fil, pas une lettre] Il la retrouve et ils vécurent heureux avec leurs enfants après avoir évité que la reine et l’épouse du roi en question ne tentent de bouffer les deux gamins et leur mère en chiche-kebab. Là, effectivement et j’en conviens, le conte pose problème car comme l’écrit Bettelheim : « Il est facile de comprendre que Perrault ne tenait pas à raconter, à la cour de Louis XIV, l’histoire d’un roi qui viole une vierge endormie, lui fait un enfant, s’empresse de l’oublier et ne se souvient d’elle que beaucoup plus tard, tout à fait par hasard. » Mais dans les versions qui suivirent, il n’est question que d’un simple baiser, chaste de plus [donc sans la langue], juste pour ramener à la vie une princesse endormie.

D’ailleurs, en réponse à Sarah Hall, Kate Edwards, directrice générale de Seven Stories [Centre national des livres pour enfants] a expliqué que les contes de fées avaient un impact culturel et traditionnel et ne pouvaient être perdus : « La tradition du conte de fées est enracinée dans l’instruction morale, expliquant aux enfants la différence entre le bien et le mal. » Il est évident que tout évolue et que la société n’y fait pas exception. Pour elle, on peut très bien continuer à raconter ces histoires à de jeunes enfants en les replaçant dans le contexte actuel tant du point de vue de la moralité que de la culture.

Les comportements abusifs et inappropriés sont une chose, la dérive sectaire qui semble en découler par quelques « Travail-Famille-Patrie » du féminisme en est une autre. À force de vouloir tout censurer, et en particulier des choses qui sont totalement hors sujet, la censure, la vraie, la pure et dure, est aux portes de tous les pays aujourd’hui. Avec Trump aux États-Unis ou Teresa May au Royaume-Uni, tous semblent vouloir la mort de la neutralité d’Internet pour « soi-disant » protéger nos chères têtes blondes. La société du paraître et du politiquement correct érode un peu plus chaque jour les libertés. Celle de rire ou de baiser en particulier. Il est certains que coller des gamins devant l’écran de l’abêtisseur mondiovisuel devant des resucées nullissimes de séries animées des eighties, puis, à l’adolescence, devant les gros nichons siliconés et les culs exhibés des Anges de la téléréalité, plutôt que de leur lire des contes et de leur apprendre à être libre et à penser par eux-mêmes… Si pour André Malraux, le spirituel aurait dû prendre le dessus au XXIe siècle, c’est malheureusement la médiocrité qui lui a piqué la place.

Étudiante en lettres modernes et libertine assumée. Mes deux passions: la littérature et le sexe. Que je peux enfin concilier sur ce blog, où je vous raconterai mes aventures sexuelles et autres coups de cœur et coups de gueule en rapport avec la sexualité. Bisous à tous (et à toutes, j'aime bien les filles aussi !).

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