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Betty Dodson : Le plaisir pour combat
Tout part en couilles cette année, la mort de Jenlean, ex-Vivid Girl, Ron Jeremy qui va manger 330 années de zonterie et pourtant, c’est le 31 octobre, jour du décès d’une Dame de 91 ans qui est à marquer d’une pierre blanche. En effet, Betty Dodson aura été de celles qui auront apporté une grande contribution à la libération de la femme, à travers l’apprentissage de la jouissance, seule et sans entraves. Retour sur la vie et l’œuvre d’une pionnière du féminisme pro-sexe, première qui eut l’idée de détourner l’usage du masseur musculaire pour en faire un stimulateur clitoridien.
La grande famille des féministes, c’est un peu comme les repas de Noël : y a papy qui râle contre tout, le tonton à côté de la plaque, mais pour qui c’est forcément de la faute des autres ou la belle doche qu’on n’entend jamais sauf pour aller dans le sens du dernier qui a parlé. Mais y a toujours une cousine pétillante, la seule qu’on a envie de revoir plus d’une fois par an. La cousine, ce sont les féministes pro-sexe. Pas spécialement à la mode ces temps-ci, « les femmes-de-tête qui ne nient pas leur sexualité » sont de plus endeuillées, car elles viennent de perdre une des instigatrices du mouvement avec la disparition de Betty Dodson.
Elle avait 91 ans. Un bel âge. Evidemment, sur les photos, la New-Yorkaise d’adoption fait moins envie que celles qu’on a l’habitude de présenter, mais sans elle, on ne pourrait présenter personne. Car Dodson a démocratisé le plaisir féminin et fait cesser la honte qui drapait son ressenti. Si des milliers de femmes peuvent se dénuder et prendre leur pied, c’est parce qu’elle a lutté pour qu’elles aient le droit de le faire. Née à Wichita, dans le Kansas, en 1929, Betty Dodson a passé les 21 premières années de sa vie en plein Midwest, royaume du patriarcat rural. Est-ce que ça a influencé sa vie ? Inconsciemment, sans doute. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne manquait jamais de mettre en avant ses racines et de les revendiquer fièrement. Le propre de l’expatriée. Car Betty Dodson est restée le quasi-restant de sa vie à New-York, dès lors qu’elle y est montée car « c’était là qu’il fallait être ».
Au fil des ans, elle eût plus en commun avec une Parisienne qu’une Wichitane. Son art premier était le dessin. Ses premières armes, elle les fit au Departement Store local (les Galeries Lafayettes du coin) en illustrant les catalogues d’un coup de crayon. En 1950, cap donc sur Big Apple à la poursuite de sa carrière d’artiste. En 59, elle épouse un pubard. L’expérience sera formatrice à défaut de connaître une fin heureuse. Dans les bras de son Mad Man, macho dei machi, Dodson découvre que la sexualité féminine est tout entière tournée vers la satisfaction du plaisir masculin. En parallèle, la révolution sexuelle explose. En 65, elle explose aussi et divorce. De cette période, naîtra son activisme. Elle prend la parole dans des galeries d’art, anime des conventions et milite pour que les femmes apprennent à jouir, tout simplement. En 74, elle publie Liberating Masturbation qu’elle illustre avec ses propres dessins.
Treize ans, plus tard, son best-seller Sex for One s’écoule à un million d’exemplaires. Toutefois, ce qui la rendra « célèbre », ce sont les ateliers de branlette collective pour les plus de 30 ans qu’elle organise dans son condo new-yorkais. Elle les adaptera dans un programme pour la télé, sur le câble américain au début des 80’s.
Annie Sprinkle, autre figure des féministes pro-sexe, se souvient : « Elle n’était pas seulement la godmother de la masturbation, mais la godmother du féminisme pro-sexe. La première fois que j’ai vu son travail, c’était au Museum d’art érotique en 1973. Je l’ai rencontrée en personne à la rédaction du magazine Screw. Nous sommes devenues amies, voisines et collègues. C’était un mentor pour moi. Elle m’a encouragée à enseigner la sexualité à travers des ateliers pratiques à une époque où personne ne le faisait. Elle m’a enseigné qu’il n’y avait pas besoin d’être anti-porno pour être féministe. Elle m’a ouvert au lesbianisme, au BDSM… En tenue de cuir, elle était incroyable ! ».
Forcément, Dodson a dérangé et ce, des deux côtés de l’échiquier. Les féministes pures et dures considèrent que le cul est au mieux, vulgaire, au pire, un instrument de domination masculine. Les machistes n’accordent aucune importance au plaisir du sexe opposé. D’ailleurs, pour les hommes, la Betty, c’était un oracle, du genre la Sibylle. Certaines de ses sentences mettaient du temps à infuser. Exemple inscrit au bas de sa page Wiki, la hype totale : « Quand il s’agit de sexe, toutes les femmes sont gay. Certains hommes rechignent à cette idée. ». Depuis, l’idée a été acceptée. Les films lesbiens sont surtout matés par les hommes, bien que les « vraies » argueront que ces films n’ont rien de gay. On leur rétorquera que Dodson ne se définissait pas comme lesbienne et combattait l’idée que les individus aient une sexualité enfermée dans une case. Elle était hétéro, bi, homo, tout à la fois. Simplement sexuelle.
Mais le plus surprenant dans l’œuvre de Betty Dodson fut sa contribution à l’industrie du sextoy. Au cours d’une de ses séances filmées où des femmes mûres se caressent en cercle, elle eût l’idée d’utiliser les vibrations d’un appareil pour masser le dos afin de stimuler les parties génitales. Cet appareil, c’est le Magic Wand de Hitachi et durant les décennies qui suivront, il s’en vendra des millions en vue de cette utilisation détournée. Chez Vibratex, distributeur officiel de l’engin, le deuil est de rigueur. « Etre associé à la vie de Betty et à son enseignement est un honneur. Elle nous manque tous et nous ne l’oublierons jamais », témoigne son patron, Shay Martin. Au contraire d’Ovidie, ex-figure du X passée à la réalisation de documentaires, plus proches du Prix Albert Londres que des AVN Awards, qui exprime dans un tweet la crainte que les pionnières ne tombent dans l’oubli.
En effet, en ces temps troublés, le combat continue plus que jamais pour les féministes pro-sexe. Mais qui pour prendre le flambeau et protéger l’héritage ? En France, Virginie Despentes, Wendy Delorme semblent éloignées de la cause et même Ovidie confesse ne plus trop se définir comme telle. Le courant fem pro-cul a l’air de ne plus concerner que les TDS et les groupies de Cardi B, au risque de brouiller le message. Restent des initiatives. Au début de l’année, Betty Dodson était apparue dans la télé-réalité à la sauce médecine alternative de l’actrice Gwyneth Paltrow pour Netflix : The Goop Lab. Les retours ont été violents, mais le programme a fait parler. Jusqu’au bout, tel un moine Shaolin du good sex, Betty Dodson aura porté la bonne parole. Quoi qu’on en dise, disparaître à 91 ans donne un crédit certain à son enseignement.
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