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Polémiques

Addiction à la pornographie : le véritable fléau !

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Une femme au premier plan, sur le bord d’un lit, la tête dans ses mains. À l’autre bout, il y a un homme, de dos, la tête imperturbablement tournée sur un écran d’ordinateur que la décence, et la longue focale, empêche de décrire. En dessous, un titre effroyable : « le porno a détruit mon mariage ». Vient ensuite un témoignage qui égraine des épithètes plus terribles les uns que les autres : « pornographie », « addiction », « masturbation », « de plus en plus souvent », « compulsion », « de plus en plus sordide », « obsession », « femme délaissée », « troubles érectiles », « divorce », « problème », « déni », « malade », « soin », « sevrage total », « apaisement »… Erreur, tragédie et finalement rédemption, c’est beau et dramatique comme un véritable conte moderne. Le mythe d’Orphée, La Divine Comédie…

« Voilà le visage de la consommation irraisonnée de pornographie ! », clame avec conviction le magazine qui publie le pamphlet. D’ailleurs, pour soutenir sa crédibilité, le canard a généralement toutes les apparences de l’informateur honnête : titre sobre et élégant, design chic et épuré, si l’on omet, bien entendu, la réclame publicitaire, proprement insultante à l’égard de l’intelligence de ses lecteurs, dont il entoure ses pages.

La ligne éditoriale « étendue » d’un célèbre magazine en ligne de psychologie point com…

Mais si l’on sort de l’indignation bon teint pour torchon de salle d’attente médicale (fort utile, au demeurant, en cas d’épidémie de gastroentérite), que dire de l’addiction au porno ? Existe-t-elle vraiment ? Qui sont ses victimes ? Comment s’en prémunir ? Santé publique. Comportement compulsif. Drame humain. Le quotidien terrifiant des porn-addicts. Un reportage sans concessions, que vous retrouverez après ces quelques messages de sensibilisation.

 

 

 

Peut-on vraiment parler d’addiction au porno ?

En vérité, du point de vue scientifique, c’est assez compliqué. Déjà, parce qu’en ce qui concerne les notions, c’est un sacré merdier. « Addiction », « dépendance », « assuétude », les termes sont multiples et fluctuants. En premier lieu, il convient de renoncer à l’anglicisme « addiction », du moins, si l’on compte aborder le problème avec un tant soit peu de rigueur scientifique. Trop flou. Il désigne, dans son sens originel, tout attachement nocif et irrépressible à une substance ou à une activité. C’est large. En outre, le DSM-IV (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux n°4, l’ouvrage de référence en la matière, dans le monde entier), et le CIM-10 (la Classification Internationale des Maladies, publiée par l’OMS) ont banni le terme de leur lexique, lui préférant celui de « dépendance ».

L’avantage de la dépendance, c’est qu’on peut la définir, généralement en la divisant en trois catégories. D’abord, la dépendance physique : l’organisme supporte mal l’absence du produit, entraînant ainsi des troubles psychiques parfois particulièrement graves. La dépendance à la pornographie n’étant pas une affaire de produit, on peut d’emblée l’exclure des dépendances physiques. Il y a ensuite la dépendance dite comportementale : des comportements, des habitudes, des modes de vie favorisent une dépendance à un produit ou une activité. Le tabagisme et le jeu y sont fortement sujets. Concernant la pornographie, c’est moins évident, la branlette n’étant pas franchement une pratique sociale.

Vient enfin la notion de dépendance psychologique : les sensations que l’activité ou le produit procurent au dépendant sont si plaisantes, que l’individu ressent une grande souffrance psychologique voire psycho-somatique à ne pas les éprouver, ce qui induit le besoin compulsif de s’adonner à son vice. C’est, selon les témoignages de victimes, la forme que prend habituellement la dépendance à la pornographie. Il subsiste toutefois deux problèmes.

En premier lieu, les médecins peinent à identifier médicalement cette dépendance. Les études se contredisent et il n’existe aucun consensus scientifique à ce sujet. Une partie de la communauté identifie des comportements compulsifs propres à la dépendance. L’autre brandit l’étude de UCLA, soulignant l’absence des réponses cognitives propres aux dépendances chez les cobayes soumis à un stimulus érotique, alors même que ces derniers se définissaient bien volontiers comme porno-dépendants.

Il existe cependant une voie de secours à cette impasse, relative aux dépendances exclusivement psychologiques. Les causes de la dépendance se trouveraient bien plus dans la personnalité de l’individu que dans la teneur de l’activité compulsive. En clair, il existerait des personnalités propices à la dépendance, pour tout un tas de facteurs : hérédité, caractère, environnement, vécu, etc. Avant de crier à l’abominable essentialisme de cette proposition, il est intéressant d’y réfléchir. Qu’il s’agisse d’alimentation, de sport, ou de travail, on trouve nombre d’exemples de comportements compulsifs sans qu’il ne vienne à quiconque l’idée de mettre en cause l’activité en question. Accuserait-on le jeûne de causer l’anorexie ? Les salles de sport, de provoquer la bigorexie ? Les heures supp’, de donner ce besoin irrépressible de charbonner 75 heures par semaine, soir et week-end compris, au mépris de sa santé et de sa famille, en vantant la « start-up nation » ? Non, évidemment.

Cette hypothèse suppose donc que la pornographie serait neutre, au moins sur le plan physiologique, ce qui nous amène au deuxième problème induit par la défense du concept de porno-dépendance.

Voyez-vous, les plus fervents défenseurs de ce concept soutiennent que la pornographie, ou du moins sa consommation serait intrinsèquement mauvaise. Or, contrairement aux autres drogues, alcool, tabac, substances illicites ou encore pâte à tartiner, la branlette n’a pas d’effets délétères avérés sur la santé (non, ça ne rend pas sourd).

« Oui, mais la famille dans tout ça, les conjoints, l’épanouissement sexuel au sein du couple ? Le recours compulsif à la pornographie n’a-t-il pas un effet destructeur sur l’épanouissement familial et sentimental du consommateur ? »

Le mythe de « la vie sexuelle satisfaisante »

On y vient enfin. La consommation de pornographie est en réalité une question de mœurs, de morale.

Le premier effet de la consommation excessive de pornographie serait le délitement du couple ou l’incapacité à avoir des interactions sociales saines avec un partenaire potentiel, et de fait, la difficulté grandissante à jouir d’une vie sexuelle satisfaisante. Satisfaisante pour qui ? Satisfaisante pourquoi ?

Et si tout le monde n’aspirait pas à être en couple ? À se marier et à élever des gosses ? Ça veut dire quoi une « vie sexuelle satisfaisante » ? Coucher avec la même personne toute sa vie, par désir, puis par habitude, puis par désœuvrement ? Avoir des « interactions sociales saines » avec des adolescentes à peine majeures, tous les week-ends, dans les toilettes d’une boîte de nuit ?

Il ne s’agit pas ici de délimiter les pratiques sociales acceptables de celles qui ne le sont pas, c’est justement ce que font ceux qui croient aux effets néfastes de la consommation de pornographie.

Mais on touche à présent au point essentiel de l’argumentaire sur les dangers de la dépendance à la pornographie. La consommation régulière de pornographie met en péril socle moral sur lequel toute personne de « bonne fréquentation » est censée baser ses principes : l’accès au couple, la fidélité, la création d’une famille, d’un foyer. Voilà, au fond, la conception de la sexualité que défendent ceux qui nous mettent en garde contre cette « dépendance ».

Pour ces gardiens de la morale, il est tout à fait normal de s’isoler régulièrement dans un endroit désert et silencieux pour fuir le monde et s’adonner à cette saine occupation qu’est la lecture, mais totalement impensable de quitter une assemblée pour se réfugier dans ses appartements et profiter d’un moment entre soi, un petit boulard et soi-même. Il est compréhensible de coucher avec sa femme une fois tous les 6 mois et de sauter sa secrétaire entre-temps, mais proprement morbide de renoncer à toute forme d’engagement sexuelle pour préférer se pignoler pépouze. Il est parfaitement naturel de s’inscrire dans un club, dans une association, ou sur un forum relatif à une quelconque passion, mais potentiellement dangereux de franchir le pas du virtuel pour rejoindre une communauté BDSM. Il est là le fond du propos : expliquer à qui veut bien l’entendre que les pratiques sociales et a fortiori les interactions sexuelles (qui ne sont rien d’autre que ça, des pratiques sociales, regardez les bonobos) sont régies par un ordre. Il y a les bonnes et les mauvaises.

Bien !

Vous ne me croyez pas ? Regardez donc ce superbe psycho-test, trouvé sur le site « orroz.net, se sortir de la pornographie », dont on trouve le lien directement sur Wikipédia :

1/ Vous feuilletez régulièrement des revues ou des livres à caractère pornographique (images ou textes)

2/ Vous visionnez fréquemment des vidéos X chez vous ou dans des sex-shops

3/ Vous êtes abonné à un forum ou un chat sur le Web orienté sexe

4/ Quand vous sentez l’excitation venir, vous avez du mal à résister

5/ Lorsque vous résistez, vous devenez nerveux ou irascible envers votre entourage

6/ Juste avant de satisfaire à ce désir, vous devenez fébrile et très excité

7/ Vous passez des heures à surfer sur Internet sur des sites X

8/ Plus le temps passe, plus vous sombrez dans le sordide et l’avilissant

9/ Après avoir obtenu satisfaction, vous éprouvez une sorte de lassitude

10/ Parfois, vous éprouvez de la culpabilité ou de la honte

11/ Vous écourtez vos soirées entre amis pour rentrer chez vous et satisfaire à vos désirs

12/ Vous vous levez quelquefois en pleine nuit ou au petit matin pour surfer

13/ Votre entourage n’est pas au courant, vous n’osez pas en parler

14/ Si vous êtes en couple, votre partenaire souffre de votre manque de communication, de votre caractère sombre ou irritable

15/ Votre partenaire ne vous attire plus sexuellement mais vous faites souvent semblant que « ça marche »

16/ Si vous êtes célibataire, cela fait longtemps que vous l’êtes ou vous avez du mal à débuter une relation affective

17/ Vous vous masturbez ainsi plusieurs fois par semaine, voire par jour

18/ Vous avez plusieurs fois décidé de vous arrêter mais en vain 

19/ Vous vous êtes déjà promis de cesser ces pratiques pour ensuite trahir vos promesses

20/ Vous ne savez plus comment vous y prendre pour cesser ces habitudes compulsives…

Maintenant, remplacez toutes les occurrences aux X et à la pornographie par des références à la culture « motard ».

1/ Vous feuilletez régulièrement des revues ou des livres à caractère mécanique (images ou textes)

2/ Vous visionnez fréquemment des vidéos de motos chez vous ou en magasin

3/ Vous êtes abonné à un forum ou un chat sur le Web orienté moto

4/ Quand vous sentez l’envie d’enfourcher votre bécane venir, vous avez du mal à résister

5/ Lorsque vous résistez, vous devenez nerveux ou irascible envers votre entourage

6/ Juste avant de satisfaire à ce désir, vous devenez fébrile et très excité

7/ Vous passez des heures à surfer sur Internet sur des sites de moto

8/ Plus le temps passe, plus vous sombrez dans le dangereux et le sensationnel

9/ Après avoir obtenu satisfaction, vous éprouvez une sorte de lassitude

10/ Parfois, vous éprouvez de la culpabilité ou de la honte, après un wheeling en sortie de ville

11/ Vous écourtez vos soirées entre amis pour rentrer chez vous et satisfaire vos désirs de balade

12/ Vous vous levez quelques fois en pleine nuit ou au petit matin pour piloter

13/ Votre entourage n’est pas au courant, vous n’osez pas en parler

14/ Si vous êtes en couple, votre partenaire souffre de votre manque de communication, de votre caractère sombre ou irritable, surtout depuis qu’il a émis l’idée de défigurer votre GSX-R en retirant le capot de selle passager

15/ Les performances de votre brêle ne vous font plus rêver mais vous faites souvent semblant que « ça marche »

16/ Si vous êtes célibataire, cela fait longtemps que vous l’êtes ou vous avez du mal à débuter une relation affective avec un(e) automobiliste, ou pire, un(e) scooteriste

17/ Vous pilotez plusieurs fois par semaine, voire par jour

18/ Vous avez plusieurs fois décidé de vous arrêter mais en vain 

19/ Vous vous êtes déjà promis de cesser ces pratiques pour ensuite trahir vos promesses

20/ Vous ne savez plus comment vous y prendre pour cesser ces habitudes compulsives…

Félicitations ! Vous pouvez d’ors et déjà envoyer la moitié des abonnés à Moto-Journal en cure de désintox.

Contrairement à ce que cette pensée essaie d’inculquer, il n’est pas de pratiques sociales ou sexuelles qui soient intrinsèquement immorales. On peut indifféremment vouloir vivre seul ou en couple, être poly-amoureux ou échangiste, se complaire en masturbateur régulier ou en queutard invétéré, préférer les rencontres virtuelles sur un site fétichiste à la séduction dans les pubs, sans qu’aucun de ces comportements ne soit, à lui-seul, avant-coureur de troubles psychologiques. Et pour tous ceux qui s’interrogeraient sur leur consommation excessive de porno, vous avez le choix, soit lever le pied, voire consulter, si tendances compulsives il y a, soit vous plonger à corps perdu dans ce fantastique univers qu’est le X, la pornographie et la sexualité. Faites-en une passion, ouvrez un forum, rencontrez vos pairs, mais ne laissez personne vous dire que cette pratique est pernicieuse.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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