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Toowoomba, la ville qui veut bannir le porno

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En Australie, à une grosse centaine de kilomètres de Brisbane, se trouve la charmante ville de Toowoomba, la cité qui se déclare officiellement anti-porno. Depuis 2015, tous les ans au mois d’octobre, les citoyens de bonnes mœurs sont conviés par les instances municipales à un grand rassemblement de sensibilisation aux ravages de la pornographie, avec pour objectif final, l’éradication de ce fléau, dans le périmètre de la ville d’abord, et dans le reste du monde ensuite.

Bon, autant le dire tout de suite, ce n’est pas vraiment gagné. Mais à cœur vaillant, rien d’impossible ! Cette année encore, ils étaient 130 (sur 130 000 habitants, ça fait pile-poil 0,1%), et comptaient notamment parmi eux le maire de la ville M. Paul Antonio, qui ouvrait les hostilités avec une sentence pas piquée des hannetons lors de la première édition : « Une relation intime convenable est la plus belle chose qu’un être humain puisse avoir. Je ne pense pas que la pornographie ait une quelconque place au sein d’une relation convenable. » Bien envoyé Paulo, ça pour être argumenté, c’est argumenté. À quand la grande manifestation contre les pets sous la couette, à ce tarif-là ?

M. Paul Antonio, un homme facétieux.

Aussi, à tour de rôle, chacun y va de sa petite allocution militante contre l’abominable pornographie, haranguant la foule à grands coups de préjugés et de sophismes érigés en vérités. Violence conjugale, corruption de la jeunesse, avilissement des valeurs familiales, on se sert les poncifs habituels contre le porno dans un gloubi-boulga à faire passer une discussion de comptoir pour le plaidoyer de Robert Badinter. Puis, chacun repart avec un coupon commémoratif marqué du serment solennel de ce jour de lutte : « Je reconnais que la consommation de pornographie promeut l’exploitation des femmes et la violence contre les femmes, et qu’elle porte atteinte aux familles. Je m’engage à ne pas regarder de porno et j’aiderai à créer une ville libérée du porno. » 

Répétez en chœur : « Le porno, c’est tabou, on en viendra tous à bout ! »

Vous l’aurez compris ; dans les faits, on est plus proche du Jour de la Marmotte que d’un colloque à Harvard. Mais comme le dit si bien l’édile organisateur : « Chaque voyage commence par un premier pas. » Et le chemin s’annonce long et sinueux, d’autant que ce dernier tient à rassurer les entrepreneurs locaux. En aucun cas, l’activité des strip-clubs et bordels de la ville n’est remise en question. À la fois, contre le porno et pour le travail du sexe, avouons que c’est une première.

Il n’en fallait en tout cas pas plus pour que ce petit festival folklorique fasse parler de lui à travers le monde. Et si la majorité des observateurs se fendent, comme nous, d’un commentaire goguenard, certains ont un peu pris la mouche ; à commencer par l’actrice australienne Kiki Vidis qui vit assez mal une telle stigmatisation de son travail. « Le porno n’est pas un crime. Mes parents ont installé des limitations sur l’ordinateur quand je grandissais. Si vous choisissez de placer un ordinateur dans la chambre d’un enfant et de n’y mettre aucun filtre, vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même. » En outre, elle met en cause la jalousie des militantes anti-porno, qui ne veulent simplement pas que leurs maris et conjoints matent du porno. Ça élève clairement le débat !

Kiki Vidis (ou Miley Cy-rousse)

Dans un autre registre, le revendeur d’accessoires pour adultes Femplay a fait un constat plutôt surprenant. Toowoomba est la ville australienne où sont acheminées le plus grand nombre de commandes de sextoys ! Premiers effets positifs de la prohibition du porn, la population se ré-appropriant sa sexualité en se ruant sur les godes ceintures et les vaginettes, ou impuissance de nos gardiens de la vertu face à leurs concitoyens qui se complaisent dans la luxure ? On ne saurait trancher, mais une chose est sure, Toowoomba n’en a pas fini avec la débauche galopante qui gangrène sa vertueuse population.

On a déjà hâte d’être l’année prochaine pour découvrir les prochains axes de lutte de ces vaillants défenseurs de la morale, de la famille et de mon cul sur la commode.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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