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Interdiction du p*rno : un combat perdu d’avance
L’abolition du porno a plus que jamais le vent en poupe alors même que les récentes évolutions de notre société semble condamner cette doctrine réactionnaire à la désuétude. Serait-ce le chant du cygne des anti-porno ?
« L’enfer du décor », c’est sous ce titre aussi facétieux que racoleur qu’est sorti le très solennel rapport sénatorial censé faire l’état des lieux de la profession suite aux affaires judiciaires qui secouent le milieu. Comme attendu, il est accablant. Rédigé par une délégation dont les membres ne cachent pas leur position abolitionniste, il n’est rien d’autre qu’un argumentaire à charge de 200 pages contre le X, les témoignages effroyables des coulisses du réseau French Bukkake servant évidemment d’étalon pour juger de l’entièreté du business. Mais si la tentation d’un débunkage complet se fait sentir, la loi de Brandolini, aussi connu sous le nom de Principe d’asymétrie du bullshit, soutient que la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire. Et personne n’a envie de se fader un article explicatif de 1500 pages démontrant à quel point nos représentants politiques sont à côté de la plaque… Aussi, attaquons-nous plutôt à la thèse finale défendue par le compte-rendu, l’interdiction pure et simple de la pornographie, ou comme le présentent avec délicatesse ses réactionnaires rédactrices : « s’interroger sur la possibilité de proscrire toute représentation non simulée d’actes sexuels à l’écran » ; une cause ma foi très noble, si elle n’était pas totalement vaine.
"Je pense que l’industrie porno est toxique pour nous tous, mais comme interdire n’est pas si simple, je préfère déstabiliser l’industrie parce que ses fondamentaux sont des fondamentaux de violences", explique la sénatrice PS @laurossignol #BonjourChezVous pic.twitter.com/Luvdig4ZGX
— Public Sénat (@publicsenat) September 29, 2022
Si nous en sommes arrivés là, c’est que le rapport était en réalité déjà pré-rédigé, n’attendant que son casting pour déclamer ses répliques. Et quel casting ! Entre les associations féministes anti-porno, les « sexothérapeutes » (aucun diplôme requis) et autres experts en addiction sexuelle, les parties civiles du procès FrenchBukkake et la fine fleur française de la lutte contre le trafic d’êtres humains, on n’était pas nombreux à venir discuter métier sur les bancs du Sénat. Si l’on exclut les comparutions des pontes du secteur, sommés par Laurence Rossignol d’expliquer l’inqualifiable, elles n’étaient que quatre à venir décrire les rouages du X de l’intérieur, nommément Carmina productrice et rédactrice en chef du Tag Parfait, Liza Del Sierra, performeuse reconvertie en réalisatrice à l’instar de sa comparse Nikita Bellucci, elle aussi présente, et enfin Knivy, camgirl et déléguée du Strass, le syndicat du travail sexuel.
Leurs doléances étaient somme toute limpides, la reconnaissance de leur statut professionnel afin d’exercer leur métier dans un cadre clair, serein et réglementé. En bref, sortir la pornographie de la clandestinité, de sorte à soutenir la production éthique. Peine perdue, leur argumentaire a été balayé par des sénatrices qui, outrepassant leur devoir d’objectivité, ont nié jusqu’à la légitimité des leurs hôtes, avec une condescendance infinie.
« En tout état de cause, les rapporteures considèrent le concept même de pornographie éthique comme une aberration sémantique, une contradiction dans les termes. » Point final.
Pornographie : "Il y a une grande porosité entre la pornographie et le proxénétisme. La notion de consentement n’existe pas, il y a des viols de soumission. Ce sont des actes de barbarie, rien n’est simulé, les pleurs, le sang, tout est vrai." @AnnickBillon #BonjourChezVous pic.twitter.com/qk8MD5fvFp
— Public Sénat (@publicsenat) October 7, 2022
Qu’importent les démonstrations factuelles, les arguments professionnels ou la parole des concernées, la délégation sénatoriale n’a d’yeux que pour les chiffres très discutables de la Fondation Scelles, dont le manifeste Abolition2022 est directement accessible depuis son site. Inutile de vous faire un dessin. Selon elle, 90% des séquences pornographiques contiendraient des scènes de violences explicites. Et s’il devait n’y avoir qu’une seule tromperie à dénoncer au sein de ce rapport mensonger, ce serait celle-ci, celle qui sous-tend toute la stratégie de condamnation unilatérale du X.
« No pussy were harmed in the making of this film«
C’est objectivement, statistiquement et quantitativement faux. Si manifestement faux d’ailleurs qu’il n’y a qu’à se rendre sur la homepage du premier site de webcam venu pour s’en convaincre. Parmi les milliers d’heures de streaming quotidiennes générées sur ces sites, un volume d’images avec lequel aucun studio, aucun groupe de distribution, aucun tube pornographique ne saurait rivaliser, nulle violence n’est à déplorer dans ses salons d’exhibition, si ce n’est l’éventuel supplément « fessée » au menu des plus kinky…
Il en va de même pour les OnlyFans, Swame et autres réseaux de fan-clubs, nouvel El Dorado pornographique, où l’essentiel du contenu distribué, bien loin des canons du X scénarisé, relate le quotidien fantasmatique et fantasmé de plusieurs millions d’artistes de l’obscène. Séance de douche onanistes, dates Tinder qui dérapent, featuring coquins avec les collègues, la violence si ardemment dénoncée par la nouvelle police morale est ici reléguée aux profils spécialisés dans le BDSM consensuel, niche par ailleurs extrêmement réglementée par les plateformes : ni ligotage intégral, ni sang, ni strangulation.
Une analyse si partiale et idéologique du porno témoigne non seulement de la malhonnêteté intellectuelle des autrices du rapport, mais aussi de leur incapacité à concevoir la pluralité et la diversité des modes d’expression pornographique. Une incapacité qui installe définitivement la cause abolitionniste sur l’étagère des belles utopies inaccessibles, rayon science-fiction. Car comme toutes les utopies, elle est absolument incompatible avec la réalité des contingences sociales, philosophiques et techniques de notre système.
Censure et progressisme
Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Toutes les stratégies de prohibition se sont soldées par des échecs cuisants. Il n’y a qu’à voir l’exemple de l’Inde ou du Pakistan, prohibitionnistes notoires, qui trustent chaque année le top 10 des plus gros consommateurs boulards d’après le classement Pornhub. Selon les opérateurs télécom du pays, 30 à 70% du trafic indien concernerait des sites des culs. En Egypte, XNXX est le cinquième site plus visité. Même constat en Indonésie, en Irak, en Malaisie, Aux Emirats Arabes Unis. Pornhub, Xhamster ou Xvideos comptent parmi systématiquement parmi les 20 à 50 sites les plus fréquentés sur le territoire (source SimilarWeb). La pornographie y est évidemment rigoureusement interdite.
On pourrait continuer longtemps la liste des hypocrisies gouvernementales de la branlette pour parvenir à la même conclusion : la prohibition pornographique d’état relève d’une démarche autoritaire aussi rétrograde que vaine, au demeurant tout à fait soluble dans le patriarcat le plus violent. À ce titre, un esprit fâcheux pourrait même aisément corréler l’élévation de la condition féminine par pays à l’accès à la pornographie, mais Laurence Rossignol n’est pas prête pour ce débat…
En outre, les grandes officines du Web mènent déjà la chasse au porno. Google l’exclut de ses régies publicitaires, Apple le bannit de son AppStore, Facebook et Instagram le chassent à vue, même le libéral Twitter déréférencent les profils qu’il surprend en flagrant délit de zézette. Et pourtant, telle la plus opiniâtre des mauvaises herbes, le porno réapparaît toujours, sous une nouvelle forme, un nouveau concept, une nouvelle dénomination. Il n’y a qu’à voir comment Twitch a finalement entériné les chaînes « hot tubs », genre de soft porn pour adolescents, ou comme PayPal et Snapchat, ouvertement anti-porn, sont utilisés par nombre de sex workers partout dans le monde pour distribuer et monnayer leurs charmes. Et on ne parle même pas de Tumblr qui est effectivement parvenu à supprimer le X de son réseau, pour voir son trafic s’effondrer dans la foulée… Ce qui nous amène à la problématique technique de modérer tous ces contenus à l’ère des flux d’informations super-massifs.
La French Touch
Heureusement l’Etat Français a la solution face aux irrépressibles flots de stupre qui se déversent sur la toile. Grâce à la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences faites aux femmes, qui oblige les sites pornographiques à disposer d’un système robuste de vérification de l’âge de ses visiteurs, sous peine d’exclusion du web français. Enfin, ça, c’est la théorie car comme nous l’avons extensivement expliqué, on ne peut pas franchement dire que les résultats sont au rendez-vous. Un an pile-poil après la mise en application du texte, et en dépit d’une demi-douzaine de mises en demeure, l’Arcom, en charge du contrôle, n’a strictement rien accompli et pédale obstinément dans la semoule. Et pour cause, rédigée avec les pieds, passé aux forceps, ce cavalier législatif est hélas inapplicable du point de vue technique, la CNIL soutenant qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune technologie permettant une telle vérification qui ne contreviendrait pas à la protection des données privées des utilisateurs.
Breaking news : ce mardi 4 octobre, le tribunal judiciaire a d’ailleurs transmis la Question Prioritaire de Constitutionnalité émise par Mindgeek, mis en demeure dans l’affaire, jugeant son recours recevable. Nous pourrions donc être fixé sur le sort de ces plateformes pornographiques d’ici un an, un an et demi. Et là, on parle de 6 sites de cul à peu près concernés par la conformité légale de leur business, pas des milliers, voire millions de sites hébergés aux Îles Marmelade qui ne répondent de rien.
Conclusion : Au vu des moyens techniques déployés pour endiguer la vague pornographique, les ambitions de censure intégrale du Web dans un pays encore démocratique comme la France tiennent pour le moment du rêve éveillé.
Et c’est sans compter sur l’engouement populaire que suscite la chose, de l’avis même de la commission sénatoriale. 19 millions de visiteurs uniques par mois, c’est le volume de trafic enregistré par les sites pornographiques depuis le territoire français, soit pratiquement un tiers de la population nationale. Qu’on le veuille ou non, le X n’est ni une occupation marginale, ni une lubie de détraqués. C’est un phénomène de société, un loisir commun plus fédérateur que le football ou l’Eurovision. Arrêtons un peu de le dépeindre comme une terra nullius lointaine et coupée du monde, seulement visitée par quelques pionniers inconséquents qui en ramèneraient les perversions interdites comme autant de vases canopes maudits. Le porno est réclamé, généré et consommé par la société elle-même, un point c’est tout. Et comme l’a dit un grand penseur du 21ème siècle : « Je suis certain que s’ils retiraient le porno d’Internet, il ne resterait qu’un seul site appelé « Ramenez le porno ! » » (Dr. Perry Cox, Scrubs, saison 3, épisode 4).
« There is no alternative«
A fortiori, quand bien même l’on parviendrait à bannir les millions de sites de boules du Web et fermer les milliers de studios de production, ces succursales du proxénétisme numérique comme se plaît à les décrire le rapport du Sénat, peut-on réellement croire qu’un marché de plusieurs millions de consommateurs à l’échelle nationale, et plusieurs milliards à l’échelle mondiale, resterait bien longtemps orphelin ? Avec les moyens techniques accessibles aujourd’hui à n’importe qui, comment empêche-t-on une jolie jeune femme, majeure et vaccinée, de commercialiser au prix fort des photos de ses reliefs et de ses failles, au besoin pétries ou dilatées depuis son compte Twitter, Snapchat, OnlyFans, Swame, Facebook, Telegram, etc. ? Le rapport sénatorial promeut l’idée de « protéger les victimes de leur propre consentement », c’est-à-dire empêcher les citoyens et citoyennes de faire ce qu’ils et elles auraient l’envie et le droit de faire, dans la cooptation totale de toutes les parties. L’évidente ingérence sur la vie des administrés qu’implique cette position politique moraliste se double d’un vœu pieux dont l’application requiert un niveau de surveillance, de contrôle et de censure des conversations privées technologiquement inaccessible même au plus répressif des états totalitaires. Pour le dire concrètement, c’est impossible.
Avec plus d’un million de créateurs de contenu rien que sur OnlyFans, on peut sans ciller soutenir que l’humanité ne s’est jamais autant foutue à poil sur Internet. Le travail du sexe n’a jamais été aussi démocratisé, alors même que la notion de consentement au sein des rapports sexuels et professionnels n’a jamais tenue une place aussi importance dans nos sociétés. Ce n’est pas un hasard. Le choix de la pornographie comme moyen de subsistance est aujourd’hui aussi rationnel que légitime. Il n’y a guère que les réactionnaires empreints de morale religieuse et/ou de paternalisme autoritaire qui préfèrent voir le monde cravacher contre un salaire de misère, dans des conditions déplorables, à l’usine, au chantier, au bureau ou au champ, au nom d’un capitalisme moribond. Et pour cela, votre consentement n’est pas requis.
Ces gardiens des bonnes mœurs, bergers auto-proclamés de l’ordre social chargés de ramener les brebis égarées dans le droit chemin de l’asservissement, ont déjà perdu la bataille. L’idéologie abolitionniste est un combat perdu d’avance. Le rapport sénatorial sur la pornographie et son orientation ultra-répressive ne constituent que l’ultimatum impuissant d’une cause désespérément vaine. Il stigmatise et criminalise les travailleuses et travailleurs du sexe dans une stratégie de la terre brûlée, et l’espoir d’enrayer une dynamique universelle et irrépressible.
Ainsi, la voie règlementariste que les sénatrices balaient d’emblée dans leur compte-rendu n’est pas une option. Elle est l’unique solution. Loin d’être exempt de dérives et d’abus, l’inébranlable secteur pornographique a plus que jamais besoin de statuts, de standards de travail et de régulation. Ceux qui s’opposent à ces justes revendications porteront dorénavant la responsabilité des scandales à venir et des vies gâchées. Car la liberté des corps, le goût de la transgression et la rentabilité de l’exhibition perdureront aussi longtemps que les tabous et les fantasmes existeront. Et ça, les abolitionnistes ne pourront jamais rien y faire…
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