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[CULture G] Pony Cum Jar Project : 4chan, branlette et Mon Petit Poney

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Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance… En plus de vous priver de votre foi en l’humanité, l’affaire dont nous traitons aujourd’hui pourrait bien vous faire rendre le petit-dej’. Son nom, PCJP, pour Pony Cum Jar Project, devrait déjà faire tressaillir d’effroi les anglophones. Vous voilà prévenus.

Comme la plupart des plus obscures chroniques du Net, tout commence sur 4chan, le forum de toutes les aberrations, le premier avril 2014. Un anonyme affirme s’être attelé, photo à l’appui, à un projet hors du commun. Son matériel : 1 bocal d’un litre, 1 figurine de Rainbow Dash, héroïne de la série Mon Petit Poney, et beaucoup d’huile de coude. Le but de l’initiative, sobrement nommée Pony Cum Jar Project, est aussi simple que déroutant : noyer la pauvre bête, prisonnière du bocal, sous le produit cumulé de ses régulières activités onanistes.

Un brin d’arithmétique s’impose alors, pour mesurer l’ampleur de la tâche. À raison de cinq millilitres, en moyenne, par éjaculation, il faut compter pas moins de deux-cents séances pour espérer remplir un tel récipient, le volume de la figurine compensant à peine évaporation et pertes éventuelles. Un défi titanesque auquel s’est dévoué notre anonyme plein d’abnégation et de déviance. Des mois durant, il chronique la progression de son entreprise dans l’indifférence relative du reste du monde, attestant de l’élévation progressive du niveau de l’amer au moyen de photographies généralement datées et authentifiées par la présence systématique d’une tocante dans le champ, symbole du temps qui passe, mais aussi gimmick caractéristique d’un contributeur vraisemblablement mostrophiliste. Le projet suit ainsi son cours, jusqu’au 27 novembre de la même année.

En ce jour fatidique, l’expérimentateur fait état, sur le forum, d’un coup d’arrêt sans doute définitif au Pony Cum Jar Project. L’hiver approchant à grand pas, le chauffage est mis en marche dans sa maison. Or, par un hasard malencontreux, le matériel était clandestinement entreposé contre un point chaud, tout près des conduites de la chaudière. En à peine quelques heures, la pauvre Rainbow a été « bouillie dans la semence », qui a elle-même caramélisé sous l’effet de la chaleur. L’insupportable puanteur qui s’en dégage à présent, « un millier de cadavres qui auraient trempé dans l’eau pendant deux ans », rend l’abandon plus que probable, aux dires de l’initiateur (comme si la précédente fragrance pouvait avoir quoi que ce soit de tolérable). Il jette l’éponge.

Les images du drame

C’est paradoxalement lors de son crépuscule que le PCJP voit sa notoriété explosé. Fasciné par la profonde absurdité et, admettons-le, l’ignominie de la situation, le Web s’empare de l’affaire, pour l’exporter bien au-delà des frontières du confidentiel 4chan. De Twitter à Tumblr en passant par Facebook et bien sûr Reddit, le monde entier se confronte à l’abominable destin d’une innocente figurine de poney. Et les magazines numériques de prendre le relais. Le premier décembre, Buzzfeed et Jezebel se fendent simultanément d’un article sur le concept, qui accède alors à la postérité.

Revigoré par un tel engouement, le « PCJP Guy » reprend sa quête avec un enthousiasme neuf et une tactique repensée. Afin d’interagir le moins possible avec la tourbe pestilentielle, il effectuera désormais les « versements » dans un contenant intermédiaire, lui aussi agrémenté d’une petite poupée équine (parce que pourquoi pas ?), qu’il videra ensuite dans le bocal désormais culte. La complétion de son improbable objectif prendra finalement 3 ans, au gré de son ambition de satisfaire ceux qui croient en lui, de son aversion grandissante pour cette tâche ingrate et d’un hiatus de quelques mois, lorsqu’une demoiselle est entrée dans sa vie. La conclusion de cette improbable épopée est à découvrir sur la chaîne Youtube de l’intéressé, dans une séquence plutôt répugnante publiée le 7 janvier 2017, où on le voit transvaser le fluide fossile ainsi que la pauvre Rainbow vers leur ultime demeure, un cylindre de verre destiné à être enterré dans le jardin de la maison de ses parents, où tout a commencé.

 

Outre la sidération, pourquoi s’appesantir aujourd’hui sur une pratique qui si elle n’était pas profondément écœurante, tiendrait de l’anecdotique ?

Tout d’abord, parce que l’instigateur s’est récemment confié, pour la première fois, au micro du Youtubeur Whang!, apportant un éclairage nouveau sur le fameux projet. Authentifié par l’animateur par le biais de ses montres fétiches, il laisse ainsi entrevoir ce qui peut bien conduire un jeune homme à déverser sa semence dans le même bocal pendant trois longues années. C’est donc aux alentours de « 14-15 ans » que l’idée germe dans sa tête, après avoir marché dans le canular Internet d’un certain Jizzus Christ, qui affirmait sauvegarder le fruit de ses masturbations dans des bouteilles, qui se révéleront n’être finalement rien d’autre que des bières de gingembre artisanales. Face à cette trahison, il s’interroge : « Quelle est la chose la plus dingue que je pourrais faire pour que les gens pètent les plombs ? », dans le but noble et absurde de gratter ses 15 minutes de gloire virtuelle. La suite appartient désormais à l’histoire.

Fanart de DawnAllies, inspiré du PCJP

Ensuite, parce que le Pony Cum Jar Project condense tout ce que notre société hyper-connectée produit de plus improbable. La rencontre entre les nerds anonymes et insolents de 4chan, les « bronies », cette caste d’adulescents fascinés par le dessin animé pour fillettes My Little Pony, et cette perpétuelle quête voyeuriste de l’obscène promue par la magie du Web. Le PCJP n’est rien d’autre que le Zeitgeist de la génération troll, qui cultive autant la provocation obscène que le goût de la notoriété anonyme permise par le Net. Son auteur s’étend en effet sur la vertigineuse excitation d’être malgré soi le mystérieux sujet d’une conversation cracra entre deux copines de classe.

Enfin, parce que cette performance sexuelle a dépassé son statut de curiosité crapoteuse pour s’ériger en référence culturelle de l’ère Internet. Maintes fois déclinée, copiée, plagiée et même falsifiée, le web est aujourd’hui submergé d’hommage à la création originale, qu’il s’agisse d’un Jeffrey Epstein ou d’un Joe Biden Cum Jar Project, d’un Mario Piss Jar ou de la profanation de l’ensemble du casting des poneys magiques. Il n’est pas rare non plus d’entendre d’ésotériques allusions au bocal interdit dans les podcasts et autres divertissements pop propres à la production Youtube. À mi-chemin entre la Merde d’Artiste de Piero Manzoni et la Gamer Girl Bathwater de Belle Delphine, le Pony Cum Jar Project n’est rien de moins qu’une œuvre d’art brut, quoi qu’on pense de la dimension esthétique ou même sanitaire de la chose. Car, en définitive, n’est-ce pas le propre d’une œuvre d’art que d’être parfaitement vain, tout en influençant malgré soi les productions culturelles de son temps ?

La célèbre Merde d’Artiste, de Piero Manzoni

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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