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Faire l’amour plutôt que baiser : le porno gay peut-il être romantique ?

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Le porno gay, et le porno en général, a mauvaise réputation. Il encouragerait les garçons à être des bourrins, à traiter leurs partenaires systématiquement comme des « salopes », accumulant les claques sur les fesses et les insultes. On associe souvent le x à la sauvagerie, la bestialité et ce n’est pas pour rien : beaucoup de consommateurs de porno cherchent à se branler vite fait bien fait, en 5 minutes. Il faudrait donc aller à l’essentiel et taper un grand coup pour que l’efficacité soit de mise. Et pourtant… Comme il existe des labels ultra trash, filmant les déviances et fétichismes les plus inconfortables ou improbables, depuis le début des années 2000 s’est développé un autre porno gay, plus « humain », plus proche des sentiments. Garçons sensibles, ne pas s’abstenir…

Les minets pionniers du genre ?

On l’évoquait dans notre article sur le porno gay vintage : dans les films plus ou moins scénarisés des années 1970, la clandestinité des étreintes et le parfum de liberté rimaient souvent avec une approche fun et déculpabilisée du sexe. On pouvait s’emboîter en mode orgie dans les chiottes que la caméra ne pouvait s’empêcher de filmer les sourires et la camaraderie après la jouissance. Le sexe a souvent été plus joyeux dans les films dits scénarisés, dans lesquels on s’attache à des personnages ou figures / stéréotypes qui humanisent les modèles un minimum.

porno_gay_romantque_01En opposition aux grosses brutes musclées des productions historiques américaines, les labels spécialisés dans les minets ont souvent détonné par leur approche plus douce. Tout bêtement parce que le cliché du minet gay veut qu’il ait une part d’innocence et de douceur. La majorité de la production « twinks » a toujours et continue de montrer des jeunes mâles entre eux qui, s’ils ne se gênent pas pour se culbuter par moments, laissent généralement une place importante aux préliminaires et à la tendresse. Dans le genre, Bel Ami a marqué les esprits avec ses jeunes hommes de l’Est, à la beauté presque indécente, mis en valeur par une photographie léchée. Le studio a connu ses plus belles heures à travers des solos et des films à la gloire de garçons explorant leur sexualité. Et même si aujourd’hui la marque divise pour avoir cédé aux sirènes du bareback, Bel Ami reste un des pionniers du genre.

La déferlante Cockyboys

Mais s’il y a bien un label qui a bousculé les codes de l’industrie, c’est Cockyboys. Avec l’arrivée du réalisateur Jake Jaxson et de ses deux fidèles acolytes RJ Sebastian (chargé de la photographie – les photos des scènes sont tellement travaillées qu’elles sortent ensuite dans des livres de prestige) et Benny Morecock (webmaster). Le trio (et trouple à la ville) est porté par une ambition qui laisse dans un premier temps perplexe le milieu : offrir un porno plus « sentimental », déculpabilisant, prenant le temps de présenter chaque modèle, de poser chaque situation. Les embrassades durent longtemps, on filme autant les visages que les parties intimes. Visuellement très travaillées, les vidéos et les scènes Cockyboys font beaucoup parler, squattent les unes des blogs spécialisés, piquent de curiosité les média mainstream et deviennent un phénomène au point de se constituer une fanbase comptant de nombreuses fans féminines.

Alors que les cyniques tournaient en dérision la démarche d’un porno plus « fleur bleue », tout le monde a dû s’incliner une fois que l’affaire est devenue rentable. Au point d’ériger le label new yorkais en exemple pour l’industrie avec sa façon de faire jouir le client sans qu’il se sente « sale » après l’orgasme et de prôner comme une évidence le safe sex. Cockyboys donne du grain à moudre à ceux qui détestent le porn, détourne les clichés, joue des codes de la pop culture et invite plus globalement à repenser sa sexualité. Prendre le temps de se toucher, de se caresser, de regarder un porno comme un autre programme, lâcher sa branlette express pour faire monter le plaisir le temps d’une scène de 30 minutes pendant laquelle on a pas envie de faire « avance rapide ».

Cockyboys a popularisé cette vision « bienveillante » du sexe, jusqu’alors cantonné à des productions arty (on pense, entre autres, au court-métrage I want your love de Travis Matthews).

porno_gay_romantique_03Un « genre en soi » ?

Réalisant qu’il existe bien un public pour un porno plus « soft », de nombreuses maisons ont décidé de singer Cockyboys pour surfer sur son succès et ne pas perdre la main mise sur le marché. La très prolifique boite de production Men.com a ainsi par exemple tenté de proposer Suite 33, une collection de scènes dites « romantiques » où des porn stars comme Paddy O’Brian prenaient le temps de découvrir le corps de leur partenaire plutôt que de se « défoncer ». Un semi-échec, le produit apparaissant comme « fake », trop industriel et réduisant le romantisme à des regards appuyés, des lignes de dialogues surfaites et quelques bougies histoire de faire genre. Un peu plus convaincante : la tentative de Lucas Entertainment qui a lancé des films comme Men in love, The Power of love ou encore Love & Devotion où l’on y croise des bombes sexuelles comme Jonathan Agassi ou Rafael Alencar se transformant en lovers sensuels… Cette envie de soft a toutefois vite été balayée par Michael Lucas qui a préféré par la suite se focaliser sur les échanges plus hard et jouant sur le fantasme du sperme, passant lui aussi à la « mode » du bareback.

Le problème avec ce porno romantique, c’est que, comme pour un garçon avec qui l’on aimerait entamer une relation sérieuse, il se doit d’être sincère. Quand ceux qui ont forgé leur réputation sur du sexe bestial tentent de s’y mettre, cela sonne au pire faux ou au mieux comme une petite parenthèse. Le bon porno gay romantique serait celui qui vient des trippes. Depuis Cockyboys, le seul label a avoir réussi à tracer sa route sur ce filon de niche est Icon Male. Là aussi on retrouve beaucoup de minets mais ils sont souvent accompagnés de partenaires plus âgés et expérimentés. Habilement, la controversée réalisatrice Nica Noelle (elle fut récemment victime de nombreuses attaques pour ses façons prétendument précaires de faire travailler ses acteurs) mêle des trames scénaristiques perverses et dérisoires (90 % des histoires tournent autour de fantasmes un brin incestueux) à une façon de filmer extrêmement sensuelle. En résultent des vidéos très intenses lors desquelles les modèles s’évertuent à trouver le moyen de faire jouir leur partenaire le plus possible, avec un mélange de fermeté, d’érotisme et de tendresse.

Le héros de cette « nouvelle vague de porno gay » n’est autre que le brun ténébreux Ty Roderick. Air bourru, amant très attentionné, du genre à ne lâcher aucun de ses partenaires du regard pendant l’action. Attaché à ce type de productions, il a lui-même essayé de lancer, pour l’instant sans succès, sa propre boite de production. Après un projet avorté intitulé Red Raw Media, il tente désormais de lancer le label Adonis qui fait partie de ces métrages x qui veulent prolonger la masturbation et laisser aux garçons du temps pour se trouver au lit jusqu’à un orgasme le moins simulé possible.

Bareback : quand l’amour a bon dos

Si le porno gay romantique vise à déculpabiliser le consommateur et montrer que les homos peuvent aussi « baiser à la papa », la représentation d’étreintes plus tendres et de couples à l’écran peut entraîner des dérives. Sous prétexte de filmer de « vrais couples », certains labels en profitent pour mettre « exceptionnellement » en vente des vidéos bareback. L’argument peut se tenir (« pourquoi un couple ensemble depuis plusieurs années, testé et n’utilisant plus la capote, devrait en mettre une pour un film ?) mais il est hélas souvent employé comme un simple prétexte pour quelques incartades de labels obnubilés par l’idée que le no capote fait vendre davantage. Et de nombreux faux couples de se former sur nos écrans pour nous faire jouir sur des rapports non protégés sans se prendre la tête avec la culpabilité de la contamination. Pour le spectateur ce n’est pas vraiment un problème, pour les modèles (qui sont trop souvent pas aussi bien testés qu’on le prétend,) c’est plus problématique…

porno_gay_romantique_04L’amour a-t-il de l’avenir ?

Si Cockyboys reste en grande forme et qu’Icon Male s’est développé considérablement lors de l’année écoulée, le porno gay romantique reste cantonné dans une sorte de case, une affaire de niche. Un genre que l’on consomme de temps en temps, pour varier les plaisirs. Car, la bite à la main, l’amateur de porno n’a pas envie de se restreindre à une seule représentation de la sexualité. Si dans la vie, nous sommes parfois amenés à choisir entre « faire l’amour » ou « baiser », devant notre écran tout reste possible. On peut ainsi passer d’un « joli » Cockyboys à une scène de touze SM de chez Kink. C’est ça aussi la beauté du fantasme et du plaisir solitaire…

S’il a bien réussi à « faire son trou » au cœur d’une industrie qui n’aime pas beaucoup changer ses codes, le porno gay romantique reste donc un outsider, un petit bol d’air frais pour ceux qui seraient fatigué de se faire venir sur des plans domi-soumis ou des bukkake à longueur de soirées…

 

Thomas s'abreuve de porno depuis ses 15 ans. Après les premiers émois des VHS hétéros, il développe une passion débordante pour le x gay alors qu'Internet fait son apparition. Pornophage et curieux, tous les genres et fétiches attisent sa curiosité. Il partage ses fantasmes et addictions sur son propre blog, Gaypornocreme, et régulièrement pour le magazine gay Qweek.

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