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Protection des mineurs, l’union sacrée des acteurs français du numérique

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Le 20 novembre dernier, à l’occasion d’un discours solennel lors du trentième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant, le président Emmanuel Macron avait tapé du point sur la table. Avant le printemps, des solutions efficaces devaient être trouvées, de la part des acteurs privés du numérique, afin de prévenir l’accès des mineurs à la pornographie sur le Web. Ce 17 janvier, les intéressés rendent une première copie, en forme d’union sacrée. Fournisseurs d’accès Internet, éditeurs de système d’exploitation, moteurs de recherche, fabricants de téléphone, réseaux sociaux et même sociétés de production porno s’engagent à prévenir l’exposition des plus jeunes à la pornographie et à promouvoir les dispositifs de contrôle parental.

Une charte de bonne conduite ; voilà à quoi on pourrait résumer le « Protocole d’engagements pour la prévention de l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques en ligne » récemment coopté. Et il comprend 4 grands axes :

  1. Informer les parents de l’existence d’outils destinés à protéger les mineurs contre une exposition à des contenus pornographiques et favoriser les recours à ces outils.
  2. Développer l’information délivrée aux parents et renforcer le soutien à la parentalité numérique.
  3. Développer l’information délivrée aux mineurs et renforcer l’offre d’accompagnement sur les thématiques liées à la sexualité.
  4. Mise en place, suivi et évaluation des dispositifs de prévention à l’exposition des mineurs à des contenus pornographiques en ligne. 

Ainsi le premier axe concerne les dispositions techniques prises par les différents acteurs selon leur secteur d’activité, comme le précise son premier paragraphe :  « L’ensemble des professionnels du numérique signataires du présent protocole s’engagent, chacun dans leurs domaines de compétences, à proposer au moins un outil gratuit, ou à mettre en place des solutions intégrées, destinés à protéger les mineurs contre toute exposition à des contenus pornographiques et activables par les parents. » Le second point oriente la discussion du côté de la sensibilisation du public, les signataires s’engageant alors à « contribuer à une campagne d’intérêt général à destination du grand public sur les risques liés à l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques et sur les moyens de les prévenir via les dispositifs de contrôle parental. » Plus étonnamment, le troisième point semble ouvrir la voie à une nouvelle politique d’éducation sexuelle, « afin de proposer une meilleure information en santé sexuelle et de promouvoir l’égalité entre les sexes et le respect d’autrui ». Il est à ce titre entièrement à l’initiative de l’Etat qui promet un véritable accompagnement autour de la vie sexuelle, mais aussi affective et relationnelle. En somme, une toute nouvelle conception institutionnelle de la sexualité. Le dernier axe s’étend quant à lui sur les modalités de la coopération à long terme de tous ses acteurs, et le suivi de l’efficacité des solutions.

On ne peut que s’incliner devant le bon sens de cet accord de principe qui a su prendre la mesure des dimensions multiples du problème. Le salut ne peut venir par la censure du réseau, tout simplement parce qu’elle est impossible. L’énergie dépensée à policer le Net n’a pour seul effet que de reporter le trafic vers des adresses plus obscures. Aussi, comme le remarque très justement le texte, le levier essentiel reste la sensibilisation des parents au contrôle et aux moyens de contrôle. Surtout, au contraire de l’infructueuse initiative britannique qui concentrait l’ensemble de la gestion entre les mains du Bureau Britannique de Classification des Films (BBFC), le présent accord donne la parole à plusieurs secteurs : électronique, informatique, réseau, référencement, production… Il ouvre ainsi la porte à l’usage concerté de différentes solutions, plutôt que de s’embourber dans l’utopie absurde d’une administration centralisée de la diffusion pornographique.

Toutefois, cette charte n’est pas exempte de défauts. Car si l’on s’est ému de la mobilisation des professionnels, tous secteurs confondus, sur le sujet, il est tout aussi important d’épingler les absences remarquées. En outre, seule Snapchat, plateforme en perte de vitesse, s’est engagée pour le compte des réseaux sociaux. Facebook/Instagram et Twitter, pourtant majoritaires, n’ont pas daigné s’investir. Surtout aucune des plateformes gratuites de diffusion de pornographie (Pornhub, XVideos), premiers pourvoyeurs de cochonneries auprès de la jeunesse, n’ont participé au débat. Or, le coûteux  durcissement de l’accès aux sites payants des productions nationales risque fort de reporter d’autant plus de trafic illicite vers ces plateformes. Un coup dans l’eau… Enfin, dernier problème, cet accord n’est a priori que de principe. Son application est totalement tributaire de la bonne volonté et de l’investissement des signataires, sans qu’aucune mesure contraignante n’ait été instaurée. En définitive, ce protocole historique nous sert de fort belles paroles, nous attendons dorénavant les actes…

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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