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Le cas Belle Delphine – Faut-il jeter l’E-girl avec l’eau du bain ?
Quelle idée, de vider l’eau de son bain après y avoir fait ses ablutions, alors qu’il eut été si lucratif de remplir de petits flacons avec, pour les vendre 30$/pièce à des hordes de geeks boutonneux par-delà l’Internet ! Ça paraît absurde ? Pas lorsqu’on s’appelle Belle Delphine, qu’on est tout à la fois cosplayeuse kawaii, modèle Instagram, pseudo-pornstar et troll professionnel. En moins de deux ans, la « gamer-girl » s’est imposée comme une personnalité incontournable du Web et du charme, non sans susciter autant de fascination déraisonnable que de haine irrationnelle. Taxée d’usurpation de toutes parts, Belle Delphine est-elle réellement l’imposture médiatique qu’on se plaît à décrire ?
« Internet is fun, internet is a good place », Belle Delphine, H3 Podcast #226
Avec ses cheveux roses, ses oreilles pointues, son air mutin et ses cosplays affriolants, Belle Delphine est l’archétype absolu de l’e-thot, la « traînée numérique », ce terme péjoratif employé par la mouvance incel pour désigner les jeunes femmes qui usent des artifices les plus racoleurs de la culture Internet pour délester le geek solitaire de ses précieux deniers chèrement acquis à la sueur de son clavier. Mais ne nous y trompons pas, les frustrés de l’Internet haïssent la belle autant qu’il la chérissent. Un million de follower sur Twitter, un compte Instagram qui culmina à plus 4 millions de spectateurs avant sa suppression, une cagnotte Patreon soutenue par plusieurs milliers de contributeurs (avant suppression une fois encore), du merchandising en cascade, la jeune fille de 21 ans n’est pas une « influenceuse », elle est un phénomène. Ce n’est pas pour rien si feu-Thothub, la plateforme de piratage des modèles indépendantes en avait fait sa figure de proue, crucifiée sur sa page d’accueil comme la Madone sur un beaupré.
Le fait est que la frange machiste de la communauté virtuelle ne lui a jamais pardonné la pirouette de la « Gamer Girl Bathwater », en 2019. Rebondissant sur la remarque d’un fan qui demandait à boire l’eau de son bain, elle enfila ni une ni deux son plus beau costume de geekette pour marketer la chose auprès de son public. En seulement quelques jours, la trublionne écoula sept baignoires, soit plus de 500 fioles de son propre bouillon, plus certainement acquises par des lascars en quête de fantasme, confrères trompés de la machosphère, que par des demoiselles naïves en quête d’un modèle. Comment cette succube ose-t-elle s’approprier leurs codes esthétiques et leurs références culturelles pour leur vendre à prix d’or le fantasme sur-mesure qu’ils réclamaient à cor et à cri ?
Les 400 coups de com’
C’est bien simple, Belle Delphine ose tout. Pionnière de l’ahegao, elle démocratise sans complexe la grimace du plaisir, perfectionnant la technique au point d’en devenir l’ambassadrice mondiale. C’est son premier fait d’arme, sa première performance lucrative, la première expression manifeste de son style. Vient ensuite sa savonneuse cascade ; puis, inévitablement, la création tant attendue de son compte Pornhub, elle qui jusque-là ne distribuait ses « lewd pictures », des nudes très chichement censurés, qu’à ses contributeurs les plus généreux. Nouvel affront fait aux frustrés du portefeuille, la séquence « Belle Delphine plays with her PUSSY », promue par une vignette main dans la culotte, la montre caressant un chat en peluche pendant 1 minute et 23 secondes. Idem pour son « Dripping CREAMPIE », qui la dépeint s’étalant une tarte débordante de crème sur le visage. Le buzz est à la hauteur de l’indignation provoquée.
Parallèlement, l’agitatrice met méticuleusement en scène sa propre arrestation. Le mugshot d’abord, le teint cireux, le maquillage étalé, la mine espiègle ; puis le narratif qui l’accompagne : « Lors d’une soirée, l’une de ses connaissances a volé son hamster adoré. En représailles, elle a vandalisé sa voiture. » ; enfin la scène de crime, une pauvre berline dûment graffitée d’un message menaçant accompagné d’un Pepe the Frog en perruque de clown, armé d’un pistolet. Partagé sur Twitter, le canular fait mouche, provoquant une nouvelle vague de réactions à son sujet.
I stg this girl came to my party and stole my hamster. I have no idea why, or who tf does that? I spray painted the fucc out of her car and got arrested, at least I got my hamster back. bitch pic.twitter.com/UoKbZ4XTaU
— Belle Delphine (@bunnydelphine) October 8, 2019
« Il faut que je trouve une raison pour les gens de s’intéresser à moi. Je dois faire quelque chose pour que les gens disent même des choses négatives à mon sujet, ou qu’ils aient au moins une conversation. » H3 Podcast #226
Evidemment, à évoluer en permanence sur cette ligne de crête entre humour et imposture, entre porno et fan-service, on finit par tomber. C’est Instagram qui plante la première banderille. Malgré un profil suivi par plusieurs millions d’abonnés, la plateforme supprime le compte, échaudée par les incessants appels du pied que la contributrice adresse au X et au hentai, photos olé-olé à l’appui. Pour Belle Delphine, c’est un coup dur. Selon les dogmes de la Gen. Z, perdre un réseau social ne se résume pas à changer de site internet, c’est perdre simultanément sa « communauté », ses sources de promotion ou de revenu, et les millions d’interactions sociales et amicales qu’elles impliquent. Pensant sa carrière terminée, Belle Delphine disparaît de la toile pour de longs mois, songeant à la reconversion. Pour ne rien arranger, de vieilles affaires émergent. Au moyen d’une vidéo postée sur Youtube, la performeuse Indigo White accuse Delphine d’avoir vendu, à l’initiative d’un tiers, des photos dénudées volées à d’autres modèles, les présentant comme siennes alors qu’elle n’avait que 17 ans. Et l’inquisitrice d’exhumer les conversations Facebook de la nudeuse usurpée Minty Darling confrontant la faussaire, et les aveux à demi-mots de l’intéressée. En outre, c’est sa légitimité au sein du « travail du sexe » que l’on questionne, milieu si ostracisé qu’on y voit d’un très mauvais œil celles qui surfent sur la tendance porno sans en souffrir les conséquences et sans rejoindre la cause, a fortiori quand elles sont prises à détrousser les collègues.
Assurément fêlée, certainement pas brisée
Plutôt que de répondre à ses détracteurs, Belle Delphine fait le dos rond. Lorsqu’une rumeur mensongère, relayée par des dizaines d’articles à travers le monde, suggéra qu’on puisse attraper l’herpès en se gargarisant de l’eau de son bain, la Machiavel du nude prit le parti de laisser la presse en faire son chou gras. Interrogée à ce sujet par les podcasteurs de Cold Ones, elle fait montre d’une lucidité désarmante quant au traitement de la vérité sur Internet : « Tous ces commentaires, même s’ils sont nuisibles, restent quand même positifs. Le truc avec Internet, c’est que je loge à la même enseigne que n’importe qui. J’aime les histoires amusantes. J’aime les vidéos amusantes, même si elles sont fake. » Autrement dit, il n’y a pas de mauvaise publicité.
Ni les controverses, ni les trolls n’auront raison de Belle Delphine. Et pour cause ; elle n’en est pas la victime, mais le produit. Reine revendiquée du packaging, elle passe son temps libre à bricoler des jouets, transformer des poupées, convertir à son univers porno-kawaii tout ce qui passe entre ses mains. En un mot, elle conçoit des goodies, des créations collector absolument inestimables pour quiconque est digne de la vénérer. À plus forte raison, c’est le personnage Belle Delphine tout entier qui est une création esthétique, un produit culturelle et marketing de son interprète Mary-Belle Kirschner. Consciente des limites de son physique – « Des jolies filles, il y en a des milliers sur Internet », elle s’invente minutieusement une persona parfaitement calibrée pour conquérir le Web et sa faune sauvage. Son créneau : le goofy, le bizarre, le cracra mignon ; manger un œuf cru, se mettre en scène dans une séquence sur Youtube avec un poulpe mort affublé de googly eyes et décrit comme son meilleur ami, écraser un mégot sur sa langue, lécher une chaussure. Elle n’est pas qu’une girlfriend virtuelle. Elle personnifie un concept : l’adolescente de manga si désespérément ingénue que tout pour elle est une expérience innocente, y compris, bien sûr, le sexe.
I JUST WANT a boyfriend who treats me like a dog is that too much to ask for :< pic.twitter.com/cR2X0QKYaO
— Belle Delphine (@bunnydelphine) October 19, 2020
Dans ce registre, Belle Delphine n’a pourtant rien d’une profane. Se définissant volontiers amatrice de DDLG (Daddy Dom / Little Girl) et de pet-play sur sa page Patreon, l’étendue de son vocabulaire BDSM ferait rougir un cravacheur chevronné. Elle est aussi incollable sur le hentai, « basically the perfect porn », dont elle adapte généreusement l’esthétique, des oreilles de chat aux bouilles d’amour. Mais au-delà de sa pornophilie revendiquée, c’est sa profonde compréhension du Web et de son public qui fascine. Créatrice de hoax de génie, elle a complètement intégré la culture troll et sa viralité à sa communication, citant ici le controversé Pepe The Frog, s’appropriant là le cœur du lexique incel.
« J’ai pratiquement été élevée sur Internet comme, je pense, tous ceux de ma génération. Tous les jours, après l’école, j’allais sur Internet et, en quelques sortes, je fabriquais ma propre personne en choisissant ce que je voulais regarder en ligne. D’une certaine manière, j’ai forgé ma personnalité et mes centres d’intérêt d’après ce que je voyais. J’imagine que c’est de là que tout ça provient, des coins tordus d’Internet que je visitais. » H3 Podcast #226
Sa résurrection vidéo, postée le 17 juin 2020 et sobrement intitulée « I’M BACK », en fait la synthèse. Sur un beat emprunté au sulfureux 6ix9ine et un flow que ne renierait pas Yolandi Visser de Die Antwoord (sans doute leurs origines sud-africaines communes), l’apprentie-rappeuse brocarde les « simps » et autres « betas » (par opposition aux mâles dits alpha) qu’elle a « trollé » sur Pornhub, tout en acclamant les « Twitch thots » et autres « big Chad » entre deux références tirées d’animés japonais. Totalement consciente de son image et des préjugés qu’elle véhicule, elle désamorce les attaques, se servant elle-même les pires vacheries, de la honte supposée de sa mère à l’absence de son père, en livrant un twerk quasi-obscène recouverte de peinture gluante. Jésus disait de tendre l’autre joue, Belle Delphine, elle, vend des bibles dédicacées.
Vénus tutélaire d’une génération de trolls numériques bercés à la post-vérité, Belle Delphine a fait d’Internet son royaume. Dépassant le statut de modèle pornographique, elle est l’incarnation absolue de l’e-girl, un fantasme virtuel cohérent et incontestable, immunisé contre la critique. Loin d’être des failles, sa niaiserie, sa vanité et sa fourberie sont les caractéristiques intrinsèques de son personnage. Les condamner ne fait donc qu’entretenir le mythe, élever Belle Delphine au rang d’icône moderne dont toutes et tous tentent de s’inspirer.
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