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Que dire de la scatophilie ?

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Parce qu’il n’y a pas de fétichisme tabou, il fallait bien aborder un jour ou l’autre la question des jeux sexuels à base de crotte.

Convenons-en, chroniquer le sexe et la pornographie a parfois l’air d’une sinécure : de splendides naïades alanguies, de beaux éphèbes musclés, et pléthore de fétichismes décomplexés tous plus bandants les uns que les autres. Il est toutefois certains jours où le journaliste spécialisé doit aller au charbon, se remonter les manches et mettre les mains dans le cambouis pour traiter des paraphilies qui tachent, au nom du savoir universel. Dans un souci d’exhaustivité, nous voici donc aujourd’hui amenés à traiter d’un des tabous sexuels les plus unanimement condamnés : la scatophilie. L’heure est venue de se mettre à table.

Histoire de fèces

La scatophilie, aussi nommée coprophilie (respectivement déclinées du grec skatós et kópros signifiant tous deux « excréments »), désigne l’excitation sexuelle suscitée par les matières fécales. Classée au rang des paraphilies par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR), elle se décline en de nombreuses pratiques qui vont du plaisir simple de l’excrétion, à la consommation du produit (la coprophagie), en passant évidemment par les manipulations de toutes sortes. Bien que particulièrement extrême, la scatophilie trouve sa source dans une sensation universellement appréciée, l’expulsion des déchets alimentaires. Ajoutons à cela la transgression des impératifs de propreté promue par notre société hygiéniste, et nous avons tous les ingrédients d’un fétichisme brûlant, plaisir physique et tabou étant les deux mamelles de la fixation sexuelle.

Poterie de Xenoclès, décorée par le peintre Klesofou, Grèce Antique.

L’histoire est d’ailleurs ponctuée de ce rapport trouble qu’entretient l’humain avec ces propres déjections. En témoignent les représentations d’orgies dyonisiennes, qui nous parviennent de la Grèce Antique par les vases et autres amphores exhumés par les archéologues et où fesses et fèces font valoir toute leur pertinence au sein des festivités. Plus proche de nous, la scatophilie se trouve une place de choix dans l’œuvre du Marquis de Sade, puis chez Pier Paolo Pasolini dans Salò, son adaptation des 120 journées de Sodome. Des aristocrates, sous Louis XIV chez Sade, sous l’Italie fasciste chez Pasolini, y font subir, par perversion, les pires sévices physiques et sexuels à un contingent d’esclaves sélectionnés pour la pureté de leur souffrance. Les passages scatologiques du film comptent notamment parmi les scènes les plus traumatisantes de toute la cinéphilie.

Deux filles et un gobelet

La portée viscérale révoltante de la chose défraiera une nouvelle fois la chronique en 2007, à l’aune d’une séquence devenue culte, qui trace un pont d’or entre douceurs chocolatées et pornographie de niche : 2 Girls 1 Cup, un nom qui fait encore frémir les malheureux qui ont naïvement posé les yeux sur ce qu’ils pensaient être l’innocente retransmission d’une finale de double féminin. Sur le Lovers theme du Français Hervé Roy, abusivement exploité sans l’autorisation du compositeur, les deux girls en question y partagent leur production fécale dans le gobelet éponyme, avant de se vomir réciproquement dans la bouche. Ce phénomène, devenu viral par les réactions outrées qu’il provoqua sur le Youtube naissant, lève le voile sur un pan particulièrement tu de la production X. Et pour cause ; au rang des niches discriminées, la scatophilie occupe la première place d’une large tête, juste derrière les pratiques rigoureusement illégales. C’est simple, aucune des plateformes traditionnelles ne tolère la diffusion de telles séquences. Le caca, persona non grata sur le web porno. Il s’agit même d’une clause nommément inscrite dans les conditions d’utilisation des services de paiement, là où l’urophilie et les pratiques BDSM extrêmes, pourtant elles aussi condamnées, jouissent d’une relative tolérance (voir notre dossier sur Visa et Mastercard).

Seuls quelques sites spécialisés et une poignée de studios confidentiels se risquent donc à l’exercice, comptant sur la discrétion de leur communauté pour passer sous les radars. Pour des raisons d’hygiène et de dignité humaine, l’objet du délit est en outre généralement substitué dans les réalisations professionnelles, au profit de matériaux plus nobles, à la texture plus maîtrisée. C’est le cas notamment de la séquence aujourd’hui illustre, extraite du film Hungry Bitches de Marco Villanova, spécialiste du genre, qui se défendit lors d’un procès d’avoir usé d’authentique popo. Pardon de briser le mythe.

En selles !

Dans la vraie vie, en revanche, pas d’artifice. Tout le sel de la pratique est justement d’y aller nature ; enfin, non sans prendre quelques précautions. Les experts de la pratique conseillent un régime riche en fibres et en protéines pour des selles consistants et moulés ; à moins d’opter pour un effet « feu d’arti-fesses » certes plus spectaculaire, mais aussi plus salissant. Il est aussi recommandé d’y aller par étapes, dans le cadre d’une initiation en douceur. D’abord, se désensibiliser de l’acte par le biais d’images, de photos d’étrons posés voire manipulés. Ensuite, maîtriser la dimension sensorielle : l’odeur en premier lieu, puis la texture en suivant et peut-être finalement, le goût, au moyen de sa propre production. Enfin, franchir le pas avec l’être aimé.

On ne le répétera jamais assez, la confiance en son partenaire est une notion essentielle lorsqu’on s’adonne à des pratiques sexuelles extrêmes. Et c’est d’autant plus vrai dans le cas des jeux scato. Contrairement à l’urine, qui est stérile, la crotte est un vecteur de contamination particulièrement prodigue en saloperies. Après tout, ce n’est pas pour rien si le corps s’en débarrasse. En plus des bactéries composant sa propre flore intestinale, et qui ont tout intérêt à ne pas se mélanger à celle d’autrui, un certain nombre de virus, dont l’hépatite, A et de parasites, dont la salmonelle, sont transmissibles par contact avec les excréments. Dans le cadre d’une séance à plusieurs, on observera donc préférentiellement la règle du « chacun pour soi », en particulier s’il est question de coprophagie. Le risque de complication est bien moindre (mais pas nul pour autant) à remettre dans son corps des éléments qui y étaient déjà auparavant. Au fond, ce n’est rien d’autre que le repas de la veille…

Si échange il y a, pour les besoins d’un exercice d’avilissement entre dominant et soumis, il est alors primordial de s’assurer de la bonne santé (et du consentement, cela va de soi) de chacun des participants. Et l’on évitera toute projection sur des plaies, des zones irritées, des muqueuses, et à plus forte raison dans les yeux, la bouche ou les parties génitales. À noter, que de telles précautions s’appliquent aussi aux relations « vanille » : on passe du vagin ou de la bouche à l’anus, mais on évite de faire l’inverse. Et à la fin des réjouissances, tout le monde se débarbouille proprement. On commence par se laver les mains, en frottant bien sous les ongles, puis on passe à la douche, on tartine les zones souillées de Bétadine, avant de rincer à l’eau tiède, et on se passe un petit coup de brosse à dents pour conclure, accompagnée de gargarismes au bain de bouche antiseptique, si on a eu la bonne idée de taper dans la mousse au chocolat…

Dirty Sanchez, glass bottom boat, Cleveland steamer ou Alaskan Pipeline (Âme sensibles, ne googlez pas ces termes.), vous voilà à présent fin prêts à profiter des plaisirs interdits de la scatophilie en toute connaissance de cause. Reste encore à trouver quelqu’un avec qui partager la part la plus sombre de votre sexualité, ce qui est très loin d’être une mince affaire…

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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