[Le Papier-Cul #3] Quand l’abolitionnisme s’acharne contre le porno !

Le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a publié récemment un rapport sur la pornographie qui sera présenté à Madame la Ministre Couillard ce mercredi 27 septembre à 14h. Ce rapport défraye la chronique, tant par la virulence de ses mots que par son approche unilatérale. Un rapport dans la lignée de celui du Sénat il y a peu, tous deux empreints d’une teinte abolitionniste manifeste. La pornographie est interdite en Corée du Nord, en Chine, en Iran, au Pakistan et dans d’autres régimes autoritaires. Est-ce vraiment la voie que la France souhaite emprunter ?

Si l’on se penche sur les personnes consultées dans le cadre de ce rapport, on y trouve des noms qui ne surprendront guère ceux qui suivent de près les mouvements abolitionnistes en France. Céline Piques, porte-parole de l’association « Osez Le Féminisme », ouvertement abolitionniste, l’avocate Lorraine Questiaux, figure emblématique de la critique anti-porno et représentante de plaignantes dans diverses affaires médiatisées, ont été parmi les voix privilégiées pour établir ce rapport.

Ce torchon stigmatise une industrie tout entière, ostracise les travailleuses et travailleurs du sexe, les dépouille de leur capacité à consentir et les infantilise ? Sans compter les nombreux passages quasi-homophobes. Le rapport passe sous silence les nombreuses voix du milieu qui s’élèvent contre la diabolisation systématique de leur profession. Plusieurs témoignages, comme celui de l’actrice Lulla Byebye, montrent que ces actrices et acteurs revendiquent leur capacité à consentir, leur professionnalisme et leur dignité, et ne peuvent se réduire à de simples marionnettes soumises à une industrie prédatrice.

La caricature qui émane de ce rapport n’est pas seulement factuellement erronée, elle est dangereuse. Elle jette l’anathème sur une profession tout entière, sur des artistes, des techniciens, des réalisateurs qui travaillent dans un cadre légal. Plus encore, elle aliène toute une génération qui comprend que la sexualité, et sa représentation, peut être diverse, consentie et émancipatrice.

Il est triste de constater que plutôt que de s’appuyer sur des faits, des témoignages diversifiés et une approche holistique du sujet, le HCE a choisi de se concentrer sur une vision étroite et idéologisée de la pornographie. La France mérite mieux que des rapports orientés, qui plutôt que d’éclairer, polarisent encore davantage un débat déjà complexe. Au lieu d’ouvrir la porte à des discussions constructives et nuancées, on s’enferme dans des postures qui ne servent finalement que l’agenda de quelques-uns…