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La fessée : plaisir d’offrir, joie de recevoir

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Elle est toujours là, tapie dans l’ombre rassurante d’une séance d’amour tendre et sensuelle, prête à jaillir à tout moment. Soudain, sans crier gare, elle vient saisir la chair postérieure de l’être aimé par la grâce tantôt accidentelle tantôt mesquine de l’amant transi, dans un claquement cinglant qui semble figer l’instant. Clac ! C’est la fessée. Loin de couper court aux ébats, elle est, au contraire, souvent le signe que tout va bien, tout à la fois récompense pour le plaisir reçu et invitation à surenchérir. Pratique universelle, elle est en outre le seul châtiment corporel que l’on aime autant donner que recevoir. Mais comment ce fait-se ?

Alors que les activités sexuelles impliquant violence et souffrance consenties sont l’apanage des relations sadomasochistes, c’est avec une certaine innocence que la fessée s’est frayée un chemin dans les chambres à coucher les plus traditionnelles, comme un petit jeu sans conséquences. Qui ne s’est jamais laissé aller à une petite claquette sur le derrière lors d’une levrette fougueuse ? Et paf ! Trois ans d’emprisonnement et quarante-cinq milles euros d’amende ! C’est qu’aux yeux d’une justice fort peu polissonne, l’acte relève tout de même des violences volontaires (article 222-13 du Code Pénal). Les condamnations sont toutefois assez rares, fesseurs et fessés s’entendant généralement sur les modalités d’administration de ce petit plaisir ; car c’est avant tout de plaisir dont il est question lorsqu’il s’agit de se tanner la couenne.

Tout cul tendu…

Les mécanismes qui régissent cet attrait si unanime pour la déculottée sont encore flous, relevant simultanément du psychologique et du physiologique. Tout d’abord, il est à noter que si douleur il y a, elle n’est pas à proprement parler le but de l’exercice, plutôt un moyen. En effet, le corps humain a cette propriété fabuleuse de sécréter des endorphines, les hormones qui font planer, lorsqu’il ressent une agression. Aussi, dans le cadre d’un rapport sexuel dédié tout entier à la quête du plaisir, la percussion s’impose comme le meilleur compromis : une souffrance aigüe, éphémère apte à solliciter l’hypophyse, sans durer ni meurtrir. Et quel meilleur endroit à cingler que le fessier ? Lisse, charnu, richement innervé et dépourvu d’organe vitaux, s’il n’était pas fait pour s’asseoir dessus, l’on se demanderait s’il n’a pas été expressément conçu pour recevoir ce genre d’attentions. C’est ainsi moins l’impact du coup qui est recherché que la douce chaleur qui le succède, invariablement introduite par cette délicieuse déflagration sonore qui nous renvoie aux confins de notre enfance. Il est d’ailleurs raisonnable de penser que cette improbable nostalgie joue un rôle dans notre goût pour la chose.

Si la fessée rencontre un tel succès, c’est sans doute qu’elle nous est familière. Plus qu’un fétichisme ou un sévice, elle est un fait social ; en témoigne le sempiternel débat quant à sa place dans l’éducation des enfants. De fait, dans l’imaginaire collectif, elle véhicule une très forte connotation psychologique, que l’on ait été châtié ou non durant sa jeunesse. La fessée, c’est la discipline, la correction prescrite et éprouvée pour recadrer les garçons insolents et les jeunes filles mal élevées. Rien de plus normal alors qu’elle ait investi nos fantasmes, nos mises en scène coquines. Avant d’être un geste, elle est un concept, la transposition physique d’une intention : l’autorité juste et rigide marquée dans la chair, littéralement.

… mérite son dû.

Souvent pratiquée au débotté, dans la ferveur de l’instant, la fessée n’est est pas moins une discipline vaste et technique. Il y en a pour tous les goûts, toutes les sensibilités. On note tout de même quelques impératifs, outre le consentement verbalisé de chacun des participants, cela va de soi. D’abord, il est essentiel de circonscrire les impacts aux parties charnues du postérieur : sommet du derrière, extérieur des fesses et haut des cuisses. On ne s’aventure ni au bas du dos, où la colonne vertébrale rejoint le bassin, ni sur le sexe. Ensuite, il convient de surveiller la teinte du point de chute. Si le carmin et le grenat sont attendus et même souvent recherchés, les nuances de pourpre, signes d’une séquelle durable, sont sauf réclamations contraires, à proscrire. Un massage précautionneux entre chaque salve minutieusement ajustée prévient généralement ce genre de désagréments, en plus d’offrir au bénéficiaire un répit fort bienvenu. Enfin, il faut évidemment s’assurer du plaisir du rudoyé à chaque instant (le safeword est ton ami). Une fois ces quelques bases méthodologiques assimilées, libre à chacun de perfectionner la technique et d’investiguer les variantes.

Décomplexés par la saga Fifty Shades, les équipementiers du sexe proposent aujourd’hui tout un panel d’accessoires pour rendre vos incartades un petit peu plus percutantes. De la cravache au martinet, en passant par les très spectaculaires paddles, l’offre variée permet au quidam moyen de se flatter le cuir au gré des ses envies les plus folles. Reste que le maniement de tels objets requiert une certaine finesse pour ne pas traumatiser durablement le récipiendaire. La douleur infligée étant proportionnelle à la longueur du levier par la surface de contact, les accessoires ont tendance à décupler les sensations, mais aussi les hématomes entre des mains maladroites. Surtout, nul besoin d’investir dans du matériel onéreux quand une simple baguette ou une cuiller en bois font de parfaits arguments d’autorité, ajoutant au passage une petite touche artisanale des plus rassurantes. Mais en définitive, rien ne remplace la main manuelle de l’homme pour ce travail de précision. Jouissant d’une flexibilité sans pareil, efficace en coup droit comme en revers, permettant des frappes liftées aussi bénignes que sonores, elle reste l’outil de prédilection de tout fesseur aguerri ; car rien ne vaut l’abnégation d’une paume endolori concomitante à un orgasme.

Un art ancestral

Loin d’être le produit des déviances de notre société moderne, la fessée est de tout temps, de toutes les cultures. Elle est abondamment discutée dans le Kama Sutra, mais aussi le sujet central d’un sous-genre particulièrement prolifique de la littérature érotique (la spanking literature). Elle alimente des domaines comme la sociologie ou la psychanalyse. Elle est même dépeinte sur la fresque murale d’une tombe étrusque datant du cinquième siècle avant notre ère, la bien-nommée Tombe de la Fustigation. Et c’est peut-être cette œuvre picturale primitive, représentant une femme entre deux hommes, suçant l’un pendant que l’autre lui cravache le séant à l’aide d’une badine, qui nous éclaire le plus quant au pourquoi de la fessée. Jugée apotropaïque (destinée à conjurer le mauvais sort), cette scène, tout comme l’imagerie de liesse qui décore le reste des murs, est censée protéger le défunt des démons de l’au-delà. Et si la fessée sexuelle n’était rien d’autre que cela : la cinglante manifestation de la vie, aux portes de la petite mort.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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