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Le salon AVN retrouve le CES à Las Vegas, en 2023 – Love story impossible entre deux événements mythiques
Après 11 ans de désamour, l’Adult Entertainment Expo aura lieu pile-poil au même moment que le plus grand salon de l’innovation technologique au monde, pour une édition 2023 qui s’annonce déjà mémorable. L’occasion de revenir sur la relation profonde et historique qui lie les deux événements.
Las Vegas, ville du jeu, certes, mais surtout capitale mondiale des séminaires, salons et autres sauteries professionnelles grand format. Il faut dire qu’entre les dorures grandioses, les machines à sous clinquantes et les canapés en velours, on fait difficilement mieux que le paradis des gamblers pour discuter business, entre deux mimosas servis par une serveuse aussi souriante que court vêtue. C’est dans ce cadre idéal que se déroule tous les ans le Consumer Electronics Show, ou CES, plus grand salon technologique grand public au monde. C’est aussi à Las Vegas qu’à lieu l’Adult Entertainment Expo, le mythique salon du porno organisé par le magazine AVN, en janvier de chaque année. Et pour la première fois depuis plus de dix ans, les deux événements se dérouleront simultanément. Les commentateurs prédisent d’ores et déjà un record d’affluence…
Je t’aime, moi non plus…
Inutile d’être un génie du marketing disruptif pour convenir qu’abreuver une foule de tech-nerds de pornographie, à grand renfort d’actrices X en string-résille, perchées sur d’interminables escarpins, est une initiative commerciale pertinente. Mais l’histoire d’amour entre le CES et l’AEE est pour le moins tumultueuse. Et comme toutes les romances passionnelles, celle-ci commence par un coup de foudre.
En 1984, Paul Fishbein découvre le CES, fraîchement diplômé de l’université de Temple, en journalisme. On est alors en pleine guerre des supports vidéo : le Betamax de Sony contre la VHS de JVC. Et le salon de l’innovation électronique se révèle comme un champ de bataille de choix. « Le rapport avec la choucroute ? », me direz-vous. Eh bien, depuis l’année précédente, ce bon Paul est à la tête d’un journal, que dis-je, d’une petite revue spécialisée et plutôt confidentielle nommée Adult Video News. À l’aune d’un X-business en plein essor, qui grâce à la vidéo pénètre les foyers, l’orientation éminemment professionnelle du magazine fait de son fondateur un interlocuteur de choix pour les distributeurs en quêtes de produit d’avant-garde, comme pour les geeks curieux en mal de cochonneries à visionner sur le magnétoscope dernier cri.
Aucun de ces gens n’avait vu de film pour adultes jusqu’à présent. Car avant le home video, vous ne pouviez pas voir de film porno, sauf si vous alliez dans un cinéma, que vous aviez des films en super 8 ou que vous vous rendiez dans une librairie pour adultes. Tous ces nouveaux consommateurs étaient en demande de films pour adultes. Et ils nous demandaient « Pouvez-vous me recommander un film porno ? On vient juste de recevoir notre nouveau magnétoscope. »
Oui, déjà, l’industrie du X est à la pointe de l’innovation, percevant très justement le marché vidéo comme son nouvel Eldorado. D’aucuns diront d’ailleurs que c’est le X qui a enterré le Betamax, format trop onéreux pour un tel cinéma d’exploitation, au profit de la VHS. Toujours est-il que le secteur du divertissement adulte se taille une place légitime au sein de la grand-messe technologique annuelle. Bon, une toute petite place quand même, faut pas déconner. C’est à l’écart du salon principal, dans une annexe, une arrière-salle, voire carrément dans un autre hôtel, qu’on permet au X-business de présenter les produits coquins qui feront le marché de demain : cassettes, accessoires, CD-Rom interactifs. Les pontes de la tech n’ont jamais été friands de voir leurs belles machines chromées et étincelantes souillées de stupre.
Littéralement, vous deviez quitter le Convention Center et trouver votre chemin jusqu’au Sahara Hotel si vous vouliez voir les gens du business adulte. Les gens du business se sont toujours sentis comme des citoyens de seconde zone, car ils payaient l’accès au prix fort, mais n’était même pas sûr de profiter de tout le trafic.
Il se dit même qu’on accrochait des panneaux sur les portes des commodités, où l’on pouvait lire « Attention : des pornstars utilisent ces toilettes. » Un avertissement destiné à préserver les visiteurs nécessairement sains, propres et bien-portants de la vermine pornographique vérolée.
Le cul, entre deux chaises
C’en est trop. En 1998, sous la pression grandissante du public qui réclame ouvertement la tenue d’un événement spécifique, AVN prend son envol et organise la toute première Adult Entertainment Expo, non plus comme annexe du salon de l’électronique, mais comme convention à part entière, en parallèle de son incubateur. Et tout le monde semble y trouver son compte.
À la tête du plus grand salon de X de la planète, AVN jouit enfin d’une couverture médiatique de première main, avec son propre public, tout en profitant de l’audience geek de son voisin, pour qui c’est « Disneyland », selon Kelly Holland, patronne de Penthouse. Chaque visiteur peut ainsi justifier auprès de madame du caractère hautement professionnel de cette virée à Vegas, tout en consacrant une petite après-midi à ses actrices porno préférées. Le Consumer Electronics Show a quant à lui l’opportunité de faire place nette des produits licencieux et des plaisirs charnels qui entachent sa très chaste utopie robotique. Ou presque…
Parce qu’entre les vibromasseurs connectés, les casques de réalité virtuelle et les poupées plus vraies que nature, à l’aube du 21ème siècle, la tech ne réussira jamais vraiment à se départir de l’argument sexuel pour vendre ses nouveautés. Malgré sa politique officiellement stricte concernant la chose, on y voit finalement des robots strip-teaseuses, l’entreprise OhMiBod fête les 10 ans du stand dédié à son sextoy phare, on accorde (puis on retire) le prix de l’innovation à Osé, jouet spécialement conçu pour le plaisir vaginal et clitoridien.
De l’autre côté, les années 2000 et Internet frappent durement la X, et AVN encaisse tant bien que mal la restructuration du business. L’Adult Entrertainment Expo voit sa fréquentation baisser d’année en année. En désespoir de cause, le magazine finit par décaler l’événement d’une semaine, les tarifs hôteliers pratiqués à Vegas lors du CES étant devenus inabordables pour les exposants comme pour les fans. Bon gré mal gré, c’est en parallèle du Shot Show, une convention « chasse et pêche » à forte audience masculine que l’expo a lieu à partir de 2012…
Jusqu’en 2023, date des retrouvailles tant attendues entre le CES et l’AEE ! Après deux années de salon virtuel, pandémie oblige, le salon des AVN reviendra donc en grande pompe du 4 au 7 janvier prochains, au côté de son meilleur partenaire et éternel rival, pour écrire une nouvelle page de l’histoire d’amour tumultueuse entre porno et innovation technologique. Et les commentateurs renseignés d’annoncer d’ores et déjà une fréquentation en hausse de 30% sur l’exposition internationale du divertissement pour adultes. 2023 sera à marquer d’une pierre blanche, ou ne sera pas.
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