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Gonflé à bloc, le fantasme soumis à l’inflation

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À la découverte des fétichismes de l’inflation corporelle, ces fantasmes de corps qui enflent…

Si vous vous attendiez à un petit cours de théorie économique appliquée au porno, pardon de vous décevoir. Il ne sera question ici ni d’augmentation tarifaire, ni de pouvoir d’achat, plutôt de fétichisme ésotérique, de tenues en latex et d’hypertrophie corporelle. Bienvenue dans l’univers fabuleux du body inflation, le « gonflement du corps » en français, qui comme son nom l’indique se caractérise par le désir de voir l’enveloppe charnelle d’autrui enfler comme une montgolfière, ou de sentir la sienne se dilater à l’infini. Tout un programme.

La notion de déformation corporelle est un motif commun et récurrent du fantasme sexuel. Et inutile de verser du côté des fétichismes pour s’en apercevoir. Il n’y a qu’à voir combien le gonzo-porn se gargarise de gorge profonde, de gaping, de full Nelson pour comprendre à quel point contorsion et distorsion excitent nos psychés, comme si nous voulions à tout prix donner au désir, nécessairement immatériel, une empreinte, une séquelle physique, qu’on le ressente ou le subisse. Et c’est sans parler des gonflements chirurgicaux, des implants mammaires aux postérieurs artificiellement bombés, entérinant encore et toujours le plus comme un mieux…

Ainsi, le body inflation n’est sans doute rien d’autre que l’extrême déclinaison de ce concept. Et on ne compte plus le nombre de récits inflationnistes mettant en scène un personnage, généralement féminin, dont les attributs grossissent à chaque fois qu’une pensée lubrique lui vient ou lui est adressée, amplifiant à chaque seconde l’obscénité de la situation et la honte d’en être la victime. En outre, l’expansion du corps tient de la métaphore orgasmique, où, par transposition, le gonflement des chairs reflète le plaisir qui enfle, jusqu’à atteindre le plateau, la tension maximale avant l’explosion.

C’est là que le genre commence à tutoyer un éventail de paraphilies variées, à commencer par la macrophilie et les fantasmes de gigantismes. Encore faut-il oser descendre dans le terrier du lapin…

Eat me

L’épopée d’Alice au Pays des Merveilles illustre parfaitement notre réflexion, livrant d’ailleurs une mémorable scène d’inflation corporelle lorsqu’elle croque sans précaution dans un biscuit affublé de la mention « Mange-moi ». Subitement, l’héroïne se met à croître, croître, croître jusqu’à ce que bras et jambes jaillissent avec fracas des portes et des fenêtres de la maison du lapin blanc. Le voyage vers l’absurde commence ! Car les moyens d’enfler jusqu’à la déraison sont nombreux, apportant avec eux leur lot de fantasmes surréalistes, et ce au-delà même de la fiction.

Avez-vous entendu parler du feeding, activité para-sexuelle lors de laquelle un feeder, ou « nourrice » en français, réprouve une forte excitation en alimentant un feedee jusqu’à saturation ? Et si l’on pouvait gaver quelqu’un jusqu’à ce qu’il ait triplé de volume, vous imaginez le délire ? Et pour cause, dans le petit monde fétichiste, la bouffe, source universelle de plaisir, fait figure de point de fixation évident. Or, quand cette consommation s’avère excessive, interdite, voire carrément taboue, le body inflation pointe le bout de son nez. C’est le cœur du vore, où des naïades en croissance permanente avalent des êtres humains pour satisfaire leur insatiable appétit. C’est aussi l’essence du blueberry fetish, un sous-genre extrêmement spécifique du body inflation qui trouve ses origines dans un autre classique de la littérature absurde : Charlie et la Chocolaterie. Et les amateurs de se rejouer le destin funeste de Violette Beauregard, la petite peste de l’œuvre, condamnée à gonfler et bleuir jusqu’à ressembler à une myrtille géante pour avoir cédé à la gourmandise…

         

Crève, enflure !

Le réel offre heureusement des moyens moins radicaux de se prêter à ce genre de fantaisie. Avec une philosophie très proche du cartoon, les spécialistes du genre redoublent de créativité pour simuler l’expansion, cachant divers artifices gonflables sous leurs vêtements pour en faire craquer les coutures sous les yeux émerveillés d’un public acquis à la cause. Ça vous rappelle quelque chose ? Oui, le body inflation en mode live-action lorgne méchamment du côté des looners, les fétichistes du ballon de baudruche.

Tout ce beau monde se retrouve à la SizeCon, la convention spécialisée dans les fétichismes autour de la taille…

Le latex, dont les propriétés tactiles et hermétiques font des merveilles, occupe aussi une place de choix dans le pandemonium du body inflation, celle du confort sur coussin d’air… Après tout, qui n’a jamais rêvé d’évoluer en suspension dans le vide, libéré de son propre poids, préservé de la rudesse du monde par la douceur moelleuse d’une enveloppe de gaz comprimé ? Eh bien, Mr. Blow Up, l’a fait, dans toutes les déclinaisons imaginables :

« De nombreux amateurs de caoutchouc ou de latex vous expliqueront qu’ils sont attirés par son toucher et la façon dont il s’étire pour épouser le corps. Ce n’est pas vraiment aussi simple d’expliquer l’attrait de porter quelque chose de gonflable, mais je dirais qu’en plus des qualités tactiles du matériau, une tenue gonflable vous pressera et offrira même un certain degré de contention, qui peut être excitant en lui-même. Les capuches gonflables ont la propriété supplémentaire d’étouffer les sons, et parfois de réduire la vision, vous coupant ainsi du monde extérieur. Enfiler une combinaison gonflable intégrale avec capuche intégrée vous laissera totalement immobile et incapable de communiquer… » Secret Magazine n°12, avril 1997.

Rubber Ball Suit, par Makenshi Fox

Isolation et contrainte physique, auxquelles s’ajoute un brin de breathplay (les jeux d’asphyxie) lorsqu’on s’enferme dans une bulle de latex seulement ventilée d’un simple tuyau, la prison de latex gonflable achève d’intégrer l’inflation à la croisée des kinks.

Titulaire d'une maîtrise en cinéma, auteur d'une Porn Study à l'Université Paris VII Diderot, Clint B. est aujourd'hui chroniqueur de l'actualité porno.

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